Mars 2024

Publié le 1er avril 2024

En ce mois de mars 2024, où la semaine internationale des mathématiques occupe généralement une place non négligeable dans la presse locale et (inter)nationale, votre revue de presse fait peau neuve ! Nous vous offrons cette fois un format un peu différent de ce dont vous aviez l’habitude jusqu’alors, afin de vous proposer une expérience de lecture plus agréable, mais néanmoins tout aussi complète qu’à l’accoutumée. N’hésitez pas à nous faire part de vos retours par le formulaire de commentaires, ou en contactant directement l’équipe !

Pour ce qui est du contenu proprement dit de cette revue de presse printanière : une partie conséquente de la rubrique Enseignement concerne encore et toujours la problématique des groupes de niveau/besoin (selon que l’on soit adepte du point de vue attalien ou belloubetien), ainsi que les inégalités de genre dans notre discipline. Notre collègue Michel Talagrand, dernier lauréat en date du prix Abel, est quant à lui le sujet principal de notre rubrique À l’honneur. Pour le reste, nous vous laissons le plaisir de le découvrir par vous-mêmes, et vous souhaitons une très bonne lecture !

À la une

Commençons par une excellente nouvelle, à savoir la remise du Prix spécial de l’engagement à notre collègue Olga Romaskevich-Paris, lors de la dernière édition du Prix Joliot-Curie, pour son investissement remarquable en diffusion des mathématiques. Cela nous fait extrêmement plaisir de voir l’engagement de cette mathématicienne (et, au-delà, d’une partie de notre communauté) reconnue de manière aussi officielle. On en reparle bien sûr dans la rubrique À l’honneur, mais nous adressons ici nos chaleureuses félicitations à Olga, ainsi qu’à tout·es les collègues qui œuvrent le plus souvent dans l’ombre pour que les mathématiques puissent atteindre le plus grand nombre.

Dans un autre genre, il semblerait que ce mois de mars soit propice aux annonces les plus extravagantes : entre l’intronisation de Miss France 2024 dans son nouveau rôle d’Ambassadrice des mathématiques auprès des filles, les prédictions dignes de Nostradamus faites par notre Premier ministre quant à la baisse à prévoir des résultats du Brevet 2024, ou encore les remaniements en cours tant du côté du comité national Miss France (dans lequel l’un de nos estimés collègues historien des mathématiques, Marc Moyon, serait pressenti pour entrer) que du ministère de l’Éducation nationale (où Aurélien Alvarez, actuel éditeur du site Images des mathématiques, pourrait faire son entrée dans les prochaines semaines), on ne sait plus où donner de la tête.

Pour le reste, c’est parti pour le détail des différentes rubriques du mois !

Vie de la recherche

S’il est encore un domaine où les craies, qu’elles soient blanches ou de couleur, font le bonheur d’individus de plus de 15 ans, ce sont bien les mathématiques. Est-ce par refus d’utiliser des outils plus modernes ou pour des raisons plus profondes que les mathématicien·nes restent adeptes des tableaux noirs (ou verts) et de leurs craies ? Les journalistes de Nautilus se penchent sur cette question épineuse dans un article relayé le 17 mars dernier par le Courrier International, et bien malin·e celui ou celle qui pourrait anticiper les réponses qu’ils nous apportent.

Malgré le coût minimal des craies, les questions de budget sont d’importance lorsqu’il s’agit de recherche mathématique, et les dernières nouvelles à ce sujet ne sont guère réjouissantes. En France, l’annonce d’une coupe de près d’un milliard d’euros dans un budget qui venait d’être théoriquement augmenté de 1,2 milliard d’euros (hors prise en compte de l’inflation, évidemment), a mené l’équipe du podcast La science, CQFD à s’interroger ce mois-ci sur la possibilité de faire plus avec moins. Sans vouloir divulgâcher le contenu de ce débat très intéressant, la réponse est vraisemblablement négative, n’en déplaise aux bureaucrates européens ayant de leur côté imposé une coupe d’un peu plus de deux milliards d’euros au budget consacré à la recherche et à l’innovation, comme le rapportait le journal les Échos dans son édition du 18 février dernier.

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À Libreville, l’ENS accueille la quatrième édition des journées algébriques, sur Gabon Media Time

Recherche et Applications

Formaliser une preuve du dernier théorème de Fermat

« Au contraire, il est impossible de partager soit un cube en deux cubes, soit un bicarré en deux bicarrés, soit en général une puissance quelconque supérieure au carré en deux puissances de même degré : j’en ai découvert une démonstration véritablement merveilleuse que cette marge est trop étroite pour contenir », écrit Pierre de Fermat en traduisant le traité d’arithmétique de Diophante.

Andrew Wiles

Dommage du manque de place, il faudra attendre un peu plus de trois siècles et nombre de rebondissements pour que ce résultat, connu sous le nom de dernier théorème de Fermat, soit annoncé comme étant véritablement démontré. C’est le mathématicien Andrew Wiles – d’abord seul puis aidé de Richard Taylor pour compléter quelques arguments techniques, mais néanmoins importants – qui en viendra à bout. La démonstration proposée, de plus d’une centaine de pages, est très difficile et fait appel à des objets et techniques mathématiques inconnu·es à l’époque de Fermat et encore aujourd’hui essentiels dans les mathématiques contemporaines (formes modulaires, représentations galoisiennes, représentations automorphes…). À ce jour, très peu de mathématicien·nes peuvent se targuer d’avoir compris la majeure partie (sans même parler de l’intégralité) de la preuve proposée par Wiles et son acolyte.

Voilà qui a inspiré à Kevin Buzzard, de l’Imperial College of London, un projet un peu fou de prime abord : formaliser toutes les mathématiques impliquées dans la preuve de Fermat à l’aide de l’assistant de preuve informatique Lean afin d’obtenir une preuve « formalisée et sûre » du fameux théorème. Pour cela, il dirigera à partir d’octobre 2024 le projet « Formalising Fermat », subventionné par le Engineering & Physical Sciences Research Council. « Formaliser les preuves modernes peut être délicat et prendre du temps, car une grande partie des maths modernes, sur lesquelles elle repose, n’ont pas été encore rendues lisibles par une machine », explique le journaliste Alex Wilkins dans un article du NewScientist🔒 (en anglais).

Kevin Buzzard

C’est dans ce cadre que le projet du mathématicien Kevin Buzzard prend place. « Ma proposition est de formaliser pleinement une grande partie des mathématiques impliquées dans une preuve moderne du théorème de Fermat dans l’assistant de preuve informatique Lean, réduisant ainsi la tâche (énorme) de formaliser pleinement une preuve du dernier théorème de Fermat à la tâche de formaliser pleinement divers résultats des années 1980. Un tel projet permettra à Lean de comprendre de nombreuses définitions de base dans la théorie des nombres modernes et la géométrie arithmétique, ce qui signifie qu’il sera possible de commencer à déclarer des conjectures mathématiques modernes et des théorèmes en théorie des nombres et en géométrie arithmétique qui utilisent de telles machines », est-il écrit pour présenter le projet. Car pour Kevin Buzzard, les ordinateurs peuvent bel et bien aider les mathématicien·nes dans leurs recherches. Mais pour y remédier, il faut que davantage de chercheurs et de chercheuses s’engagent dans cette voie, pour faire grandir les bases de données des assistants de preuve.

Ce projet n’est pas une première pour le mathématicien britannique. Il était déjà engagé dans le projet Xena pour former les étudiantes et étudiants au langage et à l’assistant de preuve Lean afin de construire une base de données, remplies par exemple de « notes de cours officiellement vérifiées ».

Des preuves de premiers cas du théorème ont déjà été formalisés par plusieurs équipes, par exemple dans le cadre de la semaine de rencontres Lean for the Curious Mathematician qui s’est tenue à la fin du mois de mars 2024 au Centre International de Rencontres Mathématiques, à Luminy (France). Il semblerait cependant que le travail effectué par certaines de ces équipes tend à suggérer que la preuve générale du théorème proposée par Wiles et Taylor-Wiles pourrait être encore incomplète… Affaire à suivre !

Modéliser les performances des sportifs et sportives

Comment expliquer les performances en cours de certain·es athlètes ? Amandine Aftalion (dont nous vous reparlons plus bas, dans la rubrique Parutions), Brian Hanley et Antoine Le Hyaric ont récolté des données de vitesse de plusieurs sportifs et sportives de haut niveau pour construire un modèle mathématique de leur activité. Leurs résultats ont été publiés en mars 2024 dans le journal Frontiers in Sports and Active Living.

« À partir des vitesses, il calcule des paramètres physiologiques, en particulier ceux qu’on ne peut pas mesurer. Pour la première fois, les mathématiciens ont pu quantifier la motivation. Elle est reliée à l’intensité d’un effort fourni pour effectuer un mouvement décidé par le cerveau. C’est ce que l’on appelle le contrôle moteur. Les ressources en énergie utilisées par les coureurs font également partie des paramètres calculés. Des paramètres que l’on fait ensuite varier afin de mettre en évidence leur impact sur l’évolution de la performance des champions », explique la journaliste Marine Laplace dans La Recherche.

Jakob Ingebrigtsen en 2018

Avec ces modélisations, ils ont pu analyser les performances du coureur Jakob Ingebrigtsen, qui démarre moins vite afin de préserver son énergie anaérobie. Ce modèle pourrait servir à améliorer les performances des sportifs et sportives… dans la limite du raisonnable.

 

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Record battu pour π : on connait ses 105 000 milliards premières décimales !

Comment la méthode Shpilkin permet d’estimer la fraude électorale en Russie.

AlphaGeometry fait encore parler d’elle.

Enseignement

“Groupes de niveau” ou “groupes de besoin” ?

L’une des actualités les plus discutées ces dernières semaines – si ce n’est LA plus discutée – dans le monde de l’enseignement concerne la mise en place, dès la prochaine rentrée scolaire, de “groupes de niveau” en mathématiques et en français pour les classes de sixième et de cinquième. Annoncée par l’actuel Premier ministre, Gabriel Attal, lors de son court passage au ministère de l’Éducation nationale durant le second semestre 2023, cette énième mesure s’est concrétisée par la publication d’un arrêté au Journal officiel le 15 mars dernier.

Avant d’évoquer différents journaux et médias traitant de cette publication, revenons brièvement sur la forme qu’est supposée prendre cette mesure. Comme expliqué dans Le Parisien🔒, l’inspiration provient d’un de nos proches voisins : la Suisse. Dans le collège présenté par l’article, les élèves sont répartis dans les cours selon leur niveau : tout d’abord en mathématiques et en français, puis, au cours des années de scolarisation suivantes, en anglais, allemand et sciences naturelles. Dans notre pays, la réforme ne semble pour l’instant concerner que les cours de mathématiques et de français. En outre, cette répartition en groupes sera, dans un premier temps, effective en sixième et en cinquième (dès la prochaine rentrée scolaire), puis elle sera étendue dans un second temps à toutes les classes du collège (dès la rentrée suivante, en septembre 2025).

Depuis son annonce, cette réforme est massivement rejetée par le corps enseignant pour de nombreuses raisons. Dans The Conversation, Yann Forestier (enseignant d’histoire et chercheur en histoire sociale) affirme notamment que “La création de « groupes de niveau », annoncée par Gabriel Attal, reviendrait à différencier l’enseignement en français et en mathématiques dès la sixième, contre le principe de l’emblématique « collège unique »”. Arrêtons-nous sur trois des arguments d’opposition à cette nouvelle étape dans la déconstruction du système scolaire actuel qui sont le plus souvent repris par les médias.

Un premier point souvent mis en avant concerne la stigmatisation des élèves, conséquence inévitable de l’application de ce dispositif. Ainsi, Le Point relaie la contestation des enseignant·es qui dénoncent “un tri et un manque de moyens”. Cette même idée de “tri” des élèves est reprise dans Libération🔒, qui met en avant les propos d’un professeur utilisant des mots forts, mais néanmoins révélateurs de la situation : “Ça va évidemment stigmatiser les élèves. Et comment va-t-on communiquer sur ce sujet avec les parents ? En leur expliquant que leurs enfants vont aller dans le groupe des nuls ?

Deuxième sujet d’inquiétude : la disparition de la notion de groupe classe. Comme rappelé dans le Monde, l’idée initialement défendue par Gabriel Attal était que “Les groupes seront […] la « règle », et les regroupements en classe entière, l’« exception »”. Cet aspect est l’un de ceux qui sont vivement critiqués par les enseignant·es. L’article du Monde signale en outre que de nombreuses études considèrent “qu’un système par groupes n’est bénéfique que sur de séquences d’enseignement ponctuelles”. Notons que même au sein du gouvernement, cela ne semble pas faire l’unanimité ! L’actuelle ministre de l’Éducation nationale, Nicole Belloubet, aurait souhaité par exemple donner plus de souplesse aux établissements pour la mise en place de ces groupes. C’était une excellente intention : n’est-il pas évident que les enseignant·es et le personnel accompagnant d’un établissement sont les personnes les mieux placées pour ce qui est de la connaissance des élèves et de leurs besoins ? La ministre appuie ce souhait en préférant le terme de “groupes de besoin” à celui de “groupes de niveau”. Il semblerait qu’au moins sur ce point, elle ait eu satisfaction, car ce sont bien les termes de Mme Belloubet (et non ceux de son prédécesseur) qui sont repris dans le texte du Journal officiel. Il n’en reste pas moins que l’arrêté publié ressemble fort à un désaveu de la ministre par le chef du gouvernement. Le Café Pédagogique détaille de manière très claire ces différents aspects de la question… et nous conforte malheureusement dans l’idée que cette souplesse revendiquée ne semble être que de la poudre aux yeux. En effet, comme l’indique l’article, “Si le système de regroupement est mentionné comme dérogatoire, le texte semble tout de même largement y inciter”, ce qui est appuyé par le fait que les regroupements en classe entière ne pourront avoir lieu que durant une à 10 semaines entières (sur les 36 semaines que comporte une année scolaire), et par les propos du Premier ministre relayés sur BFM TV, qui a encore récemment affirmé que « sur les trois quarts de l’année au moins, il faut que les élèves suivent leurs enseignements en français et en mathématiques dans les groupes de niveau ». (Notons ici le retour à l’expression groupe de niveau, très révélatrice de l’état d’esprit de Mr Attal.)

Un troisième et dernier point, mais pas des moindres, fait grincer les dents des chef·fes d’établissement. Il concerne l’aspect logistique et la mise en place en pratique d’une telle organisation. Selon l’article du Parisien🔒 précité, “les emplois du temps sont très complexes à fabriquer”. Le chef d’établissement interrogé témoigne de la quantité de temps et du travail colossal nécessaires pour préparer de tels groupes et emplois du temps. La tâche sera d’autant plus ardue en France, car les élèves pourront a priori changer de groupe en cours d’année, comme le rappelle L’Express : “La composition des groupes sera réexaminée au cours de l’année scolaire, notamment à l’occasion des regroupements, afin de tenir compte de la progression et des besoins des élèves”. Là encore, probablement de belles paroles qui n’iront pas plus loin que le stade théorique.

Choix des spécialités en Terminale

La fin de l’année scolaire approche déjà à grands pas, et avec elle arrive une question cruciale pour tout·e élève de Première : quelles spécialités conserver en Terminale ? Rappelons que depuis la réforme du baccalauréat de 2019, les élèves de Seconde doivent se “spécialiser” à leur entrée en Première, en choisissant trois enseignements (dits de “spécialité”) parmi 13 possibles, mais qu’ils sont contraints de n’en conserver que deux lors du passage en Terminale. De manière peu surprenante pour qui s’intéressait alors à la question, un constat inquiétant est très vite apparu à la suite à ce changement : nombre d’élèves souhaitant s’orienter vers un cursus plutôt scientifique décidaient d’abandonner les mathématiques à l’entrée en Terminale. Pour pallier ce manque prévisible (dénoncé dès 2018 par plusieurs associations et sociétés savantes), une heure et demie hebdomadaire de maths obligatoires a été ajoutée en Première lors de la dernière rentrée. Un peu moins d’un an après, quels constats pouvons-nous tirer de la mise en œuvre de cette mesurette ?

Pour Le Parisien Étudiant, “les maths reprennent des couleurs”, même s’il est encore “un peu tôt pour juger des effets” de la réforme de 2023. L’article relaie en outre quelques statistiques concernant les choix de spécialité en Terminale. Nous y apprenons que “44% des élèves ont choisi les maths en enseignement de spécialité en 2023, contre 40% en 2022 et 38% en 2021”. Les Échos vont dans le même sens, en constatant un “retour en force des mathématiques auprès des lycéens. […] 59 % des élèves de terminale générale suivent un enseignement de mathématiques, soit une hausse de 3 points par rapport à 2022 1 Il est utile de préciser que cette statistique comprend les 44% en enseignement de spécialité dont nous venons de parler, et 15% en enseignement optionnel.. Toutefois, l’article des Échos met en garde car “la discipline continue de souffrir d’un biais social”. Le constat est effectivement sans appel : “La répartition par catégorie sociale ne change pas. Les élèves d’origine sociale très favorisée sont surreprésentés parmi ceux ayant choisi mathématiques (47 %) […] Tandis que les élèves d’origine sociale défavorisée sont surreprésentés dans les spécialités littéraires”. Rien de bien surprenant pour qui avait lu les différents communiqués en amont du collectif Maths et Sciences.

Parité L’une des problématiques qui revient immanquablement dans les discussions sur l’enseignement des mathématiques est celle de la parité, ainsi que ces constats a priori sans appel : les filles ne réussissent pas autant que les garçons en mathématiques, elles ne se tournent pas autant qu’eux vers des études ou des métiers en lien avec cette discipline et, même lorsqu’elles s’y engagent, leur réussite professionnelle est généralement inférieure à celle de leurs collègues masculins. Lorsqu’on lui demande ce qui pourrait expliquer ce phénomène, Véronique Slovacek-Chauveau (professeure de mathématiques et présidente d’honneur de l’association Femmes & Mathématiques) répond sur France Info qu’il s’agit d’une prophétie autoréalisatrice. Selon elle, « la société est persuadée que les filles ne sont pas bonnes en maths, et à force de l’entendre toute leur vie, la prophétie s’autoréalise. Elles ne sont pas bonnes en maths. »

Son hypothèse semble malheureusement une fois encore confirmée par une étude chiffrée de la DEPP de l’académie de Strasbourg, publiée le 8 mars dernier à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. À l’entrée en CP, les filles sont meilleures en maths que les garçons, mais comme le rapporte l’article de France 3 sus-cité, en six mois d’école, la tendance s’inverse. Dès le CE1, les filles ont de meilleurs résultats en moyenne dans toutes les matières, SAUF en mathématiques…

Comment contrer cette tendance à l’auto-sabotage issue de stéréotypes sociaux ancrés dès le plus jeune âge ?

Aujourd’hui, on se pose la question de comment régler ce problème, et surtout dans l’enseignement secondaire. Selon l’article écrit par Doriane Jaegers et Dominique Lafontaine pour The Conversation, le rôle des enseignant·es est primordial lorsqu’il s’agit de redonner confiance à leurs élèves filles en leurs capacités à faire des mathématiques, y compris dans le cadre d’études supérieures. Cependant, le manque de temps dont disposent les enseignant·es dans le cadre de leur pratique ne leur permet généralement pas de jouer ce rôle crucial dans l’orientation de leurs élèves. En outre, comme le montre brillamment notre collègue Mélanie Guesnais dans cet autre article de The Conversation, les récentes réformes mises en place dans l’enseignement secondaire ne font que renforcer la dégradation d’une situation déjà catastrophique. Pour le dire aussi simplement qu’elle : « les inégalités de genre se sont nettement aggravées depuis la réforme », qui « n’aboutit finalement qu’à préserver une élite masculine dominante dans les parcours scientifiques au détriment de son accès à tous, dont les femmes. »

Comme Véronique Slovacek-Chauveau, a-t-on raison de douter sérieusement de l’existence d’une réelle volonté politique de réduire ces inégalités de genre ? Si cette volonté est à l’image de la dernière décision en date prise dans ce domaine par le Premier ministre, Gabriel Attal, en nommant l’actuelle Miss France Ambassadrice des mathématiques auprès des filles, comme relayé par TF1 Info, il est plus que sain d’en douter très fortement. En effet, cela va totalement à l’encontre de ce qu’expliquaient nos collègues d’économie comportementale dans un article de décembre dernier paru dans The Conversation : dans une société où l’effet de dilution reste maître dans la perception des qualités des un·es et des autres, on ne peut pas être aussi belle qu’intelligente. Choisir comme ambassadrice des mathématiques auprès des filles (merci de noter la précision de l’intitulé du rôle, qui n’est pas anodine) une personne étant d’abord reconnue pour ses qualités physiques n’est donc pas un service à rendre à la lutte contre les inégalités de genre en mathématiques, quelles que soient les qualités scientifiques réelles de notre Miss France actuelle. En cas de doute sur ce point, n’hésitez pas à (re)visionner par exemple quelques épisodes de la série The Big Bang Theory, qui suit le quotidien d’une bande de jeunes scientifiques de très haut niveau, et à jouer au jeu suivant : parmi les personnages féminins, lesquelles sont des scientifiques ? Le résultat n’est pas si surprenant, n’est-ce pas…

Et aussi, ce mois-ci...

  • Méthode Singapour : 2 jours de formation proposés aux enseignants de CP et CE1 en juin 2024, dans vousnousils
  • Dans cette école de Mantes, les mathématiques sont un jeu d’enfant grâce à une méthode venue d’Asie, dans 78actu
  • Pour anticiper une pénurie de professeurs de français et mathématiques, l’académie de Toulouse recrute une centaine de contractuels, dans LaDepeche.fr
  • Pour une fois dans le domaine éducatif, la France est en tête des pays européens… ayant les classes les plus chargées à l’école, dans 20minutes
  • Brevet : le Premier ministre annonce que le taux de réussite au brevet va baisser “de manière importante” cette année, sur BFMTV
  • Qu’est-ce qui se profile derrière la réécriture des programmes des cycles 1 et 2 ? dans Le Café Pédagogique
  • Filles et mathématiques : un auto-sabotage imposé par les stéréotypes de genre sociétaux, dans Télérama

À l’honneur

Prix Irène Joliot-Curie

Le 7 mars dernier, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a publié un communiqué de presse annonçant les lauréates de la 22e édition de ce prix « destiné à promouvoir la place des femmes dans l’univers des sciences, de la recherche et de la technologie en France ».

Félicitations aux six lauréates, et tout particulièrement aux mathématiciennes Virginie Galland Ehrlacher (prix de la Jeune femme scientifique) et Olga Paris-Romaskevich (prix spécial de l’engagement) !

Olga Paris Romaskevich en 2021

Leurs interviews (en vidéo) ont été publiées par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche : elles sont accessibles ici et . La transcription de ces entretiens est aussi disponible ici et . Enfin, deux portraits d’Olga Paris-Romaskevitch ont été récemment publiés : par la délégation régionale Provence-Corse du CNRS et par France Alumni.

Prix Abel

Décerné par l’Académie norvégienne des sciences et des lettres, le prix Abel est, avec la médaille Fields, l’une des deux plus prestigieuses récompenses qui existent en mathématiques.

De nombreux journaux et médias ont consacré ce mois-ci un article au mathématicien français Michel Talagrand, lauréat de l’édition 2024 du prix considéré comme le « Nobel des mathématiques » : France Info, Le Parisien, Le Monde (article, entretien), Le Figaro, RadioFrance (podcast), El Pais (espagnol), Quanta Magazine (anglais), Sciences et Avenir.

Michel Talagrand en 1995

Le 20 mars dernier, l’Insmi et le CNRS ont publié des communiqués de presse présentant les travaux pour lesquels le chercheur a été récompensé. On y apprend que les trois sujets spécifiques pour lesquels il a été distingué sont ses travaux sur le supremum des processus stochastiques, la concentration des mesures et le verre de spin.

« M. Talagrand est un mathématicien exceptionnel et très productif dont les travaux ont transformé la théorie des probabilités, l’analyse fonctionnelle et les statistiques. Il a eu un impact considérable sur les mathématiques et leurs applications », a déclaré Lise Øvreås, présidente de l’Académie norvégienne des sciences et des lettres. Il est aujourd’hui récompensé « pour ses contributions révolutionnaires à la théorie des probabilités et à l’analyse fonctionnelle, avec des applications remarquables en physique mathématique et en statistique ».

L’Université Claude Bernard a quant à elle choisi de faire un retour sur la scolarité du mathématicien, passé par ses locaux, dans cette actualité.

Le prix Abel sera remis à Michel Talagrand par le roi Harald V de Norvège le 21 mai 2024. Toutes nos félicitations à notre estimé collègue !

Et aussi, ce mois-ci...

  • Deux nouveaux articles, l’un de la BnF et l’autre de la SMF, rendent à nouveau hommage à Nicolas Bergeron, décédé en février dernier.

Diffusion

La semaine des mathématiques

Cette année, la semaine des mathématiques a eu lieu du 13 au 20 mars 2024. De nombreux médias ont rapporté différentes initiatives visant à promouvoir cette discipline fondamentale sous diverses formes et dans différents contextes.

Pour cette édition 2024, l’association M@ths en-vie a offert, avec plusieurs de ses partenaires, quatre jours d’activités stimulantes afin de souligner l’importance de l’engagement collectif dans l’apprentissage des mathématiques.

Dans La dépêche, on découvre le Festival des mathématiques de Castanet-Tolosan qui a apporté une touche artistique à cette science, permettant au grand public de découvrir la beauté et la créativité qui résident au cœur des équations.

En parallèle, de nombreuses actions locales permettent de diffuser les mathématiques dans les différentes régions. En Normandie, l’Académie de Caen, l’IREM de Caen, et Ouest-France proposent une série d’énigmes accessibles dès l’école primaire et allant jusqu’en terminale. À Saint-Brieuc, un restaurateur passionné offre un petit déjeuner à ses client⋅es s’iels résolvent en contrepartie différentes équations mathématiques.

Vers une meilleure représentation des genres

La lutte contre l’invisibilité des femmes mathématiciennes a également été mise en avant avec le Wikithon des matheuses, une initiative visant à enrichir les biographies féminines dans le domaine des mathématiques sur Wikipedia.

Réflexions sur l’enseignement des mathématiques

Une nocturne à l’IHP a permis la tenue d’une discussion entre David Bessis, mathématicien, et Lionel Naccache, neurologue, sur les bénéfices cognitifs des mathématiques. Cette réflexion intervient dans un contexte où une part importante des élèves ne reçoit qu’un enseignement mathématique très minimaliste et ne savent, bien souvent, pas répondre à des questions simples, comme le signale le Figaro. Il est possible de revoir cet échange sur Youtube.

Et aussi, ce mois-ci...

  • Un collégien de 12 ans a reproduit le rayon de la mort d’Archimède pour un exposé. Source : Science et vie
  • Des chercheurs ont avancé l’idée que la peur des mathématiques pourrait être liée à des facteurs génétiques, selon une étude parue en 2014 dans le Journal of Child Psychology and Psychiatry. Source : Le Figaro Étudiant

Parutions

En kiosque

Le magazine Epsiloon est en quelque sorte un ovni lancé dans le paysage des magazines scientifiques en 2021, le résultat d’un pari un peu fou dont nous avons parlé à plusieurs reprises dans cette rubrique. Il se caractérise par la qualité et la rigueur des informations, sa maquette moderne, simple et épurée, mais surtout très colorée. La publicité reste discrète. Et, surtout, il est financé en très grande partie par ses lecteurs, ce qui n’est pas le cas des autres acteurs. Publication généraliste, il joue un rôle important dans la diffusion scientifique en proposant des articles assez courts destinés à un très large public pour lequel il constitue une entrée facile d’accès.

Le roi du calcul

Le dixième numéro des hors-séries, sorti en mars, ne peut pas passer inaperçu avec sa livrée rose flashy. Sobrement titré Nombres, il offre en une centaine de pages un voyage à travers le monde des nombres sous toutes ses facettes qui, lui, est entièrement en « piste verte ». Un voyage beaucoup plus chaleureux que vous ne pourriez l’imaginer promet Pierre Yves Boquet, le rédacteur en chef. Promesse tenue, le lecteur qui aurait pu être « bloqué » ou sceptique à la vue du titre ne sera pas déçu du premier article (Les nombres c’est quoi ?) au dernier (les nombres mythiques). Les articles abordent des sujets très variés et peuvent être lus indépendamment les uns des autres, selon l’envie ou la curiosité. Il y en a pour tous les goûts, de l’analyse de la méthode Singapour au sens des nombres, en passant par de petites histoires des grands nombres ou le grand mystère de la relation entre + et x. Complété par un abécédaire, émaillé de citations percutantes… ou simplement drôles (comme l’annonce la revue), bien servi par des titres qui piquent la curiosité, interrogent, surprennent, des images agréables qui « accrochent » l’œil, il peut être mis entre toutes les mains sans arrière-pensée. On peut avancer sans prendre trop de risques de se tromper que celles et ceux qui estiment que les nombres sont un univers aride, désincarné, froid ou ennuyeux auront peut-être envie, après cette lecture, d’en savoir un peu plus et de prolonger le voyage avec des ouvrages plus conséquents. Un joli travail de diffusion !

Le numéro d’avril de ce magazine met quant à lui à la une les deepfakes ainsi que la guerre des algorithmes qui fait de plus en plus rage ces derniers temps. La lectrice apprendra par exemple que les deepfakes sont actuellement non seulement envahissants, mais qu’ils sont en passe d’introduire un nouveau paradigme : les individus qui semblent les plus authentiques sont artificiels. L’article, très facile à lire, porte un coup de projeteur sur les dessous de la désinformation, et sur la lutte insidieuse qui se joue quasi quotidiennement un peu partout dans le monde. Sans entrer ici dans les détails, il permet de mieux comprendre les ressorts de cette course IA contre IA qui se livre à une vitesse vertigineuse. L’objectif de l’autrice, Muriel Valin, (journaliste scientifique en charge des hors-séries chez Epsiloon et Unique Heritage Media) est : Prévenir, informer, et surtout éduquer. Son article (que vous pouvez lire en ligne) tombe à point nommé pour éclairer ceux qui se sentent un peu perdus dans cette jungle qui évolue sous nos yeux avec une intensité croissante.

De son côté, le trimestriel La Recherche met en avant l’intelligence artificielle (IA) avec un dossier qui dresse un panorama de la manière dont les outils d’IA rentrent dans la besace du scientifique, en soulignant le fait que, pour l’instant, ces systèmes ne sont en rien « intelligents » et que l’expertise humaine reste indispensable. La progression de l’IA accélère effectivement de manière impressionnante dans des domaines de plus en plus nombreux et variés. Un point sur ses succès, ses espoirs, et ses limites, permet de mieux appréhender ce phénomène, son impact (par exemple sur le calcul scientifique, l’astrophysique, la biologie, l’archéologie …) mais aussi de mieux comprendre les enjeux, et surtout les évolutions à venir. Si l’on considère par exemple le domaine de la santé, il s’avère que, contrairement à ce que certain·es avancent un peu rapidement, l’IA ne remplacera pas les radiologues, mais les radiologues qui ne l’utilisent pas seront remplacés par ceux qui s’en servent.

Première image de l’ensemble de Mandelbrot
Publiée par Robert W. Brooks et Peter Matelski en 1978

Les sujets abordés par ailleurs dans les « fondamentaux » de ce numéro sont riches et variés, comme nous le montre le sommaire. Vous y trouverez en particulier un article signé par Philippe Pajot, le rédacteur en chef de la revue, sur l’ensemble de Mandelbrot. Si l’auteur rappelle rapidement que cette année correspond au centenaire de la naissance de Benoît Mandelbrot, son objectif n’est cependant pas de rendre hommage au mathématicien, mais plutôt aux objets de ses travaux. Si les fractales sont des objets quasi mythiques des mathématiques qui semblent bien connus, elles conservent bien des secrets cachés et nous réservent peut-être encore quelques surprises. En tout cas, les recherches à leur sujet se poursuivent activement. Pour en savoir plus, Philippe Pajot renvoie à l’article sur l’ensemble de Mandelbrot publié par Arnaud Chéritat sur notre site. (Ajoutons que vous pouvez aussi les retrouver avec plaisir dans le film co-produit par Adrien Douady, François Tisseyre et Dan Sorensen). La réalisation de ce « mook » (livre-magazine) a impliqué, comme d’habitude, la collaboration de nombreux et nombreuses scientifiques (vingt-cinq) d’horizons divers, allant de l’informatique aux sciences sociales et humaines, des mathématiques aux neurosciences, de la physique à l’écologie halieutique, ou encore de la biologie à l’histoire des sciences.

Science et Avenir (qui maintenant se nomme Sciences et Avenir – La Recherche) a de son côté salué le Nobel des maths attribué au Français Michel Talagrand, dont nous parlons par ailleurs dans la rubrique Honneurs de cette revue de presse.

Du côté de Pour la Science, ce sont les glaciers en sursis (en grosses lettres sur fond noir) et le réchauffement climatique qui font la une du numéro d’avril. Trois articles y sont respectivement consacrés au réchauffement du climat, aux glaciers de l’Antarctique et à ceux des Alpes. Pour la rédaction du magazine, il s’agit, à la lumière des études les plus récentes, d’aider les lecteurs à mieux appréhender les mécanismes en jeu et les perspectives qui nous attendent, plutôt que de répéter pour la n-ième fois des alertes qui sont régulièrement lancées à ce sujet.

Le Rulpidon
Il fait partie des œuvres du sculpteur Ulysse Lacoste

Dans la rubrique « mathématiques », vous retrouverez Le dessous des cartes du rulpidon, un article signé par Sylvie Benzoni-Gavage (actuelle directrice de l’Institut Henri Poincaré) et Rémi Coulon (voir aussi ici). Vous connaissez peut-être déjà le théorème des quatre couleurs (Kenneth Appel et Wolfgang Haken, 1976), qui suscite un regain d’intérêt ces dernières années. Il dit qu’une carte plane peut être coloriée avec au plus 4 couleurs de manière à ce que deux pays voisins soient de couleurs différentes. La même question se pose naturellement pour d’autres types de surfaces (voir par exemple cet atelier de MATh.en.JEANS de 1993) ou le rulpidon, symbole de la Maison Poincaré. L’article va certainement passionner toutes celles et tous ceux qui suivent avec curiosité les aventures du rulpidon. Sylvie Benzoni lui consacre un livre (grand public), Le Rulpidon sous toutes ses coutures. Une aventure mathématique et artistique, qui sortira en librairie dans le courant du mois d’avril. Nous aurons donc certainement l’occasion d’en reparler dans ces colonnes !

Bien sûr, vous retrouverez aussi Jean-Paul Delahaye et sa rubrique mensuelle Logique et calcul, qui nous parle cette fois Des nombres premiers aux pseudo-premiers. Il évoque entre autres la recherche de formules donnant une infinité de nombres premiers, des tests probabilistes pour tester la primalité d’un entier, de la suite de Raoul Perrin, ou encore des pseudo-premiers de Perrin.

Spirale d’Ulam

C’est un sujet qui passionne Jean-Paul Delahaye (et il n’est pas seul !), qui est d’ailleurs l’auteur de nombreux articles (comme par exemple ceux-ci, sur le site Futura ou d’autres dans Pour la Science) et du livre Merveilleux nombres premiers, ré-édité en 2013, qui reste une référence parmi les livres « grand public ». La fascination qu’exercent les nombres premiers depuis l’antiquité n’est pas près de retomber, et la course au plus grand nombre premier se poursuit. Si l’on en croit l’auteur, grâce à la progression des connaissances sur les nombres premiers et à l’augmentation de la puissance des outils de calcul, peut-être connaîtra-t-on bientôt un nombre premier de 100 millions de chiffres ? Cela rapporterait 150 000 dollars américains à ses découvreurs. Mieux encore : un nombre premier de 1 milliard de chiffres serait récompensé de 250 000 dollars. Ces prix sont offerts par l’Electronic Frontier Foundation (EFF), une ONG californienne de protection des libertés sur internet.

En librairie

Laurent Schwartz, Les engagements d’un médaillé Fields : Et de trois ! Après la bande dessinée sur Joseph Fourier (Les oscillations de Joseph Fourier) et celle sur Sophie Germain (Les audaces de Sophie Germain), c’est une bande dessinée sur l’un des plus grands mathématiciens du XXe siècle, Laurent Schwartz, que les éditions Petit à Petit ont livré en mars. Il a été le premier mathématicien français à obtenir la médaille Fields en 1950 (avec Atle Selberg) pour ses travaux sur la théorie des distributions, comme nous le rappelle l’INSMI (CNRS mathématiques), qui ajoute, avant de donner la parole à Hervé Pajot, l’instigateur du projet : Bien plus qu’un brillant scientifique, Laurent Schwartz était au carrefour des mouvements sociaux de son époque : il s’engagea contre l’utilisation de la torture pendant la guerre d’Algérie et plaida pour l’indépendance du Vietnam au nom de la liberté des peuples. Pour élaborer cette nouvelle BD, Hervé Pajot a collaboré avec Emmanuel Marie, le scénariste, et Stefano Realdini, le dessinateur. Il estime que la bande dessinée est un bon vecteur pour toucher le grand public, en particulier les jeunes. Pour ces derniers, on essaye de les attirer vers les études scientifiques en leur montrant une image plus vivante des mathématiques. C’est aussi un bon moyen pour montrer que la science en général et les mathématiques en particulier sont faites par des femmes et des hommes « en chair et en os », qu’une théorie ne s’élabore pas en un jour, et qu’il faut beaucoup de travail avant de la finaliser. Cette BD, comme les précédentes, n’arrive pas seule : elle est accompagnée de différentes ressources, en particulier d’une exposition de posters (qui a pour vocation de voyager !), inaugurée fin mars, et d’un film documentaire. L’arrivée d’une nouvelle BD dans le paysage de la diffusion mathématique n’est pas si fréquente ! Saluons donc comme il se doit cette nouvelle venue en lui souhaitant le même succès que ses grandes soeurs. Profitez de cette brève incursion dans le monde de la BD et retrouvez sur notre site le concours de BD lancé chaque année par Images des Mathématiques. Cette année, le thème était Maths et sports : 63 BD ont été réalisées par les participant·es du concours. C’est maintenant à vous de voter  !

Amandine Aftalion, autrice de Pourquoi est-on penché dans les virages ? (voir les parutions de la revue de presse de septembre) et co-autrice d’une étude très récente modélisant les performances des coureurs au 400m et au 1500m, était en ce 14 Mars l’invitée de France Culture. Au micro, elle explique comment l’équipe a développé son modèle qui permet d’optimiser les performances des coureurs, quels sont les paramètres importants à prendre en compte, et aussi à quel moment les mathématiques entrent en jeu et quel est leur rôle dans ce projet.

Et aussi, ce mois-ci...

Amour et mathématiques au festival de Mons avec le couple Jean-Pierre Darroussin et Anna Novion : « Tout est vrai dans le film ! » https://www.sudinfo.be/id805651/art…

Histoire des mathématiques

portrait peint de Srinivas Ramanujan par Dr. G. Ambika

 

En février 2024, le site Ça m’intéresse a consacré un article biographique au mathématicien indien Srinivasa Ramanujan (1887-1920) sous le titre provocateur « Qui était Ramanujan, l’homme le plus fort du monde en mathématiques ? » Ramanujan est réputé pour ses prouesses, notamment en calcul, dès son plus jeune âge. Il quitte l’Inde, où il a fréquenté l’université de Madras, pour s’installer à Cambridge afin de se donner pleinement aux mathématiques après avoir pris contact, en 1913, avec le mathématicien Godfrey Harold Hardy (1877-1947). En mathématiques, Ramanujan « est connu pour ses fonctions elliptiques, ses équations ainsi que sa théorie analytique des nombres, mais ce sont ses résultats calculatoires des constantes, ses séries hypergéométriques et ses théorèmes qui l’ont inscrit dans l’histoire ». L’article donne aussi à voir l’importance de ses carnets renfermant des milliers de formules. L’auteure conclut enfin que « Srinivasa Ramanujan a durablement marqué sa discipline grâce à son potentiel unique qui puise dans l’intuition autant que dans la rationalité ». Ramanujan fait partie de ces mathématiciens qui méritent en effet d’être mieux connus. Merci à Ça m’intéresse pour cette belle initiative.

Statue de René Descartes à Tours

Descartes : l’homme du Cogito ergo sum [Je pense donc je suis], de la Géométrie (1637) ! Le magazine Geo prétend offrir à son lectorat « 6 choses à savoir sur René Descartes »… Nous aurions plutôt précisé, en ce qui nous concerne, « à ignorer » ! Si Descartes a bien « marqué la philosophie et les mathématiques », comme le précise l’auteur de l’article, les informations qui suivent sont relativement inutiles ou/et légendaires. J’inciterais plutôt les lectrices et lecteurs de la « Revue de Presse » d’Images des maths à visionner le film d’animation sur Descartes dans La Grande aventure des nombres, disponible sur le site de Lumni. À noter à ce sujet : une projection en visioconférence de la série « La Grande aventure des Maths », réalisée par Cassia Sakarovitch et dont nous avons déjà parlé dans une précédente revue de presse, aura lieu en présence de l’équipe le jeudi 4 avril à 17h, sur youtube. N’hésitez pas à vous joindre à cet évènement !

Arts et maths

Bien que Le théorème de Marguerite ait déjà été largement présenté dans cette revue de presse, nous ne nous priverons pas du plaisir de signaler plusieurs évènements en lien avec ce film dans notre rubrique « Arts et maths » de ce mois.

Ariane Mézard

À l’occasion de la sortie en DVD/Blu-Ray du film – le 5 mars dernier – et de l’obtention du César de la « meilleure révélation féminine » par l’actrice principale, Ella Rumpf (à qui nous adressons toutes nos félicitations !), lors de la dernière cérémonie, nous vous conseillons la lecture des quelques articles qui suivent. Tout d’abord, Numérama s’interroge (20/03/24) : « Les équations montrées dans les films sont-elles vraies ? » Pour Le théorème de Marguerite, c’est précisément le rôle de notre collègue mathématicienne Ariane Mézard (ENS Paris, IMJ-PRG), la consultante scientifique du film. Il s’agissait d’alimenter le film en contenus mathématiques : « Ariane Mézard est mobilisée quatre heures par semaine, pendant quatre mois, pour le projet ». Ensuite, afin de mieux connaître Ariane Mézard et Anna Novion (la réalisatrice du film), Anne Boyé (actuelle présidente de l’association Femmes et mathématiques) est allée à leur rencontre pour le magazine Tangente en octobre 2023. Ce mois-ci, l’interview est intégralement disponible sur le site de l’association. De cette interview – qui est davantage une discussion très agréable à lire ou à entendre qu’un entretien formel et formaté -, nous avons envie de retenir ce qu’Ariane précise à propos des mathématiques et de la solitude : « Je crois qu’un message qu’Anna voulait faire passer et auquel j’étais sensible, c’est qu’en fait, on ne peut réussir qu’avec les autres. La nécessité du rapport à l’autre. Effectivement, les mathématiques, c’est une activité où on est solitaire, mais en fait, on n’arrive à progresser qu’en se confrontant aux autres. Donc c’était nécessaire qu’elle sorte de cette solitude. Et je crois que c’est un des messages. » Enfin, une nouvelle critique du film est disponible sur le webzine Baz’art (mars 2024), où le contexte mathématique est à nouveau décrit.

Emmy Noether, mathématicienne extraordinaire

Parmi les arts de la scène que les mathématiques rencontrent régulièrement, il n’y a pas que le cinéma : il y a le théâtre aussi ! Annalisa Panati, l’une de nos collègues mathématiciennes de l’université de Toulon, a récemment écrit une pièce de théâtre sur l’une des mathématiciennes les plus remarquables du XXe siècle. Intitulée « Emmy s’en moque », cette œuvre se promène en même temps que l’exposition « Emmy Noether, mathématicienne extraordinaire », joliment illustrée par Constanza Rojas-Molina, que certain·es d’entre vous connaissent peut-être déjà pour sa participation régulière et remarquée au Noethember ou au Mathyear challenge. Une représentation sous forme de lecture publique a eu lieu à Toulon, le 22 mars dernier. La première, qui a eu lieu à Angers en novembre 2023 et regroupait Annalisa Panati, Conztanza Rojas-Molina et Clotilde Fermanian, a bénéficié d’une captation vidéo et est maintenant disponible sur Youtube. Durant une petite vingtaine de minutes, on écoute trois professeures de mathématiques de renommée internationale réunies pour décider, à l’occasion d’un évènement mondial qui encouragerait les jeunes femmes à poursuivre des carrières scientifiques, quelle figure historique féminine importante choisir comme modèle d’inspiration. Aucune raison de se priver de ce plaisir audiovisuel, en attendant d’avoir peut-être la chance d’assister en personne à une représentation future de cette pièce !

Pour finir

N’hésitez pas à nous faire parvenir vos commentaires sur cette nouvelle version de la revue de presse, que nous avons souhaitée aussi complète qu’avant, mais plus agréable à lire pour chacune et chacun d’entre vous. En particulier, les plus vigilant·es d’entre vous auront probablement repéré les trois petits poissons qui nagent dans les eaux de cette édition pascale : signalez-vous si c’est le cas ! Pour les autres, réponse le mois prochain dans la revue de presse d’avril…

Post-scriptum

L’équipe de la revue de presse a grand besoin de renfort ! Si vous voulez participer, n’hésitez pas à nous contacter. Éplucher le web à la recherche de divers faits mathématiques, vulgariser les derniers résultats pour la rubrique Recherche, tenir le compte des annonces et contre-annonces des responsables politiques pour la rubrique Enseignement, relever les évènements mathématiques auxquels ont participé des classes ou le grand public pour la rubrique Diffusion, etc. Il y a du boulot et il y en a pour tous les goûts !

Commentaires

  1. Gautier
    avril 3, 2024
    0h17

    « Choisir [Eve Gilles] comme ambassadrice des mathématiques n’est pas un service à rendre à la lutte contre les inégalités » : et l’accueillir avec autant de fiel, c’est un service à rendre ? Mobiliser des concepts marketing fumeux pour la décrédibiliser, ça va aider ? Oui sa nomination ne changera probablement pas grand-chose, oui le « auprès des filles » est discutable, mais ce serait la moindre des choses que de la laisser faire ses preuves !

    Quant à « The Big Bang Theory », il faut vraiment s’être arrêté à la première saison pour ne pas savoir que deux des trois personnages féminins principaux sont des scientifiques de haut niveau, et que la série se termine sur l’attribution du prix Nobel de physique à un couple !

  2. SAMUEL SENDERA
    avril 11, 2024
    15h57

    Très bien pour la présentation, c’est clair et bien ciselé. On s’y retrouve.

    Petite parenthèse. Je suis toujours étonné – alors que je me définis comme une personne – de voir des points et des lettres ajoutés à certains noms et adjectifs. De plus, ainsi ajouté à « malin », cela renvoie plutôt à une chanson de Bernard Lavilliers qu’au féminin recherché. Elle est maligne notre langue.

    Bonne continuation pour ce travail complet aux horizons élargis qu’est cette revue de presse.

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Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .

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