Vincent Lafforgue vient de recevoir dans une cérémonie hollywoodienne, un « Oscar des sciences » pour ses travaux sur le programme de Langlands.
Vincent Lafforgue, directeur de recherche CNRS à l’Institut Fourier de Grenoble, vient de recevoir ce 4 novembre le « Breakthrough prize », que l’on pourrait traduire par le prix de l’avancée scientifique (ou de la révolution scientifique si on souhaite plus d’emphase). Ce n’est pas le prix le plus prestigieux en mathématiques, comme peuvent l’être la médaille Fields ou le prix Abel mais c’est certainement celui avec la mise en scène la plus hollywoodienne. Comme l’écrit Pierce Brosnan, le maître de cérémonie de cette année, ce sont les Oscars des sciences.
Ce prix existe depuis 2013 à l’initiative de par Iouri Milner et Mark Zuckerberg (richissime homme d’affaires russe et créateur de Facebook). Leurs fondations fournissent les 22 millions de dollars qui financement les différents prix en mathématiques, physique et sciences de la vie. Vincent Lafforgue n’est pas le premier Français à être récompensé lors d’une telle cérémonie. Hugo Duminil-Copin, professeur à l’IHÉS et à l’université de Genève, a reçu la version junior du prix il y a deux ans.
La vidéo de la cérémonie est disponible sur internet et voici la séquence qui concerne la remise du prix à Vincent Lafforgue.
Au-delà de cette cérémonie hollywoodienne, on peut s’intéresser aux travaux qui ont valu à Vincent Lafforgue ce prix. Ce sont ces contributions élégantes et novatrices sur le programme de Langlands qui sont mises en avant.
Le programme de Langlands est dû à Robert Langlands, mathématicien canadien désormais professeur à l’Institute of Advanced Studies à Princeton. En janvier 1967, le jeune Langlands écrivit une lettre de 17 pages à André Weil, mathématicien de renom, qui est aussi célèbre pour les idées et conjectures révolutionnaires qu’elle contient que pour les quelques mots qui accompagnent la lettre :
« Après avoir écrit cette lettre, je réalise qu’il n’y a presque pas d’énoncé que je sache prouver. Si vous voulez la lire comme pures spéculations, je vous en serai reconnaissant sinon je suis sûr que vous avez une corbeille à portée de main. »
Le programme ou correspondance de Langlands a été et est toujours une grande source d’inspiration pour certains mathématiciens. De grandes avancées — partielles — ont été obtenues et ont valu la médaille Fields à Vladimir Drinfeld, Laurent Lafforgue (frère aîné de Vincent Lafforgue) et Ngô Bảo Châu. Robert Langlands lui-même a reçu le prix Abel pour ce programme et les idées qui ont permis à Andrew Wiles de démontrer le théorème de Fermat appartiennent aussi à ce programme.
Il est de hors de portée de ce billet (et des compétences de l’auteur) de détailler le contenu de cette correspondance mais essayons d’en donner une vague idée.
Le premier objet de la correspondance est donné par les solutions d’équations algébriques, c’est-à-dire les solutions de polynômes à coefficients rationnels d’une ou plusieurs variables. Quand il n’y a qu’une seule variable, il n’y a qu’un nombre fini de solutions (peut-être complexes) que l’on appelle nombres algébriques. À ces solutions est associé un groupe de Galois (nommé ainsi en l’honneur de son inventeur Évariste Galois), objet fondamental pour comprendre la structure des solutions. Lorsqu’il y a plusieurs variables, l’ensemble des solutions peut-être infini et c’est ce que l’on appelle une variété algébrique. Des exemples très simples sont données par les solutions des équations \(X^2+Y^2=1\) ou encore \(Y^2=X^3+1\)
À l’autre bout de la correspondance, ce trouvent des objets analytiques appelés formes automorphes. Ce sont des fonctions de la variable complexe avec une remarquable propriété d’invariance. À partir des objets aux extrémités, on peut associer des représentations de groupes et ensuite des fonctions~\(L\) (initialement introduites par Dirichlet). L’exemple le plus simple de fonction~\(L\) est donné par la célèbre fonction \(\zeta\) de Riemann dont la formule est \(\zeta(s)=\sum_{n\geq1}\frac{1}{n^s}\) pour \(s\) nombre complexe de partie réelle strictement supérieure à 1 et qui est fortement reliée aux nombres premiers.
Un partie du programme de Langlands vise à établir que les fonctions~\(L\) obtenues à partir des deux extrémités sont en fait identiques et ainsi fermer la boucle. Pour plus de détails que ceux de ces lignes trop floues, on pourra consulter le on pourra consulter le texte (traduit et édité) de Robert Langlands dans Pour la Science.
Les travaux de Vincent Lafforgue ont établi une partie de la correspondance de Langlands. Plus exactement, il s’agit des représentations du groupe de Galois dans un groupe réductif sur un corps global. Il a étendu ainsi les résultats obtenus précédemment dans le cas du groupe de matrices \(\mathrm{GL}_n\). Ses méthodes sont novatrices et ne reposent sur une formule des traces comme c’était le cas précédemment.
Post-scriptum
Terminons par une remarque géométrique. Le trophée remis aux lauréats est aussi un objet géométrique. Il s’agit d’un flot sur un tore réalisé par Olafur Eliasson.
Il est possible d’utiliser des commandes LaTeX pour rédiger des commentaires — mais nous ne recommandons pas d’en abuser ! Les formules mathématiques doivent être composées avec les balises .
Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .
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