Ces derniers jours, j’ai terminé d’écrire une petite note [1] chez moi (le mois de mai est un long weekend). La plupart de mes livres de maths sont dans mon bureau, et je suis parfois un peu démuni quand j’ai besoin d’un résultat. D’ailleurs, je suis tout autant démuni quand je suis au bureau et que j’ai besoin d’un résultat mais que je ne sais pas vraiment lequel. Je m’explique (il n’est pas nécessaire de comprendre de quoi je parle pour lire le reste de mon billet). Après avoir éliminé divers sous-cas dans ma note, je me retrouve avec une représentation de dimension 2 d’un groupe de Galois, et je sais que sa restriction à un sous-groupe d’indice fini est somme de deux caractères (propriété A). Je veux montrer que ma représentation est une somme de caractères ou une induite (propriété B). Est-ce seulement vrai ? Mes groupes ne sont pas finis, mais qu’à cela ne tienne, on va faire comme si pour explorer le problème. Tout d’abord, je sais que « A implique B » n’est pas vrai en général, mais mes groupes de Galois sont résolubles, c’est-à-dire qu’ils ont une structure plus simple que les groupes arbitraires. Que sait-on sur les représentations des groupes résolubles ? Moi, rien du tout.
Je décide alors d’appliquer une méthode qui a déjà fait ses preuves : je tape « représentations groupes résolubles » dans Google. Je regarde les premiers résultats, ça n’est pas très prometteur — on m’oriente plutôt sur des théorèmes de Burnside ou les groupes de Lie résolubles. A tout hasard, je vais voir la page de Wikipedia concernant les théorèmes de Burnside. C’est intéressant, mais ça ne m’avance pas ; il y a cependant un lien vers l’article « Théorie des représentations d’un groupe fini ». Je vais voir, mais ça ne m’avance pas non plus. J’essaye donc avec d’autres mots clés, en français et en anglais. La recherche « induced representations solvable groups » me renvoie (en deuxième page) sur une feuille de TD de Joseph Bernstein de l’université de Tel-Aviv, et Google me met en évidence la phrase suivante « [P] 4. (i) Let G be a c-solvable finite group. Show that any irreducible representation σ of G is induced from a one dimensional representation of some … ». Ah ! Ca ressemble plus à ce que je cherche, mais qu’est-ce qu’un groupe « c-solvable » ? Je récupère le TD et je vois que c’est ce qu’on appelle habituellement un groupe hyper-résoluble. Je réfléchis un peu, et je me rends compte que mon groupe de Galois est en fait hyper-résoluble, ça tombe bien. Comme le TD de Bernstein ne donne pas la solution de l’exercice, je repars sur Google avec « induced representations supersolvable groups ». A la troisième ligne, se trouve un lien vers un wiki sur les groupes, qui contient la phrase suivante « It turns out that every representation of a supersolvable group is monomial. In other words, every irreducible representation of a supersolvable group can be induced from a one-dimensional representation of some subgroup. » C’est tout à fait ce que je veux, et ça m’apprend le terme « monomial » en plus, mais il n’y a pas de démonstration. Je tape « monomial representations supersolvable groups » et là apparaît un passage du scan par Google de la version anglaise du livre de Jean-Pierre Serre sur les représentations linéaires des groupes finis, qui contient l’énoncé et sa démonstration (c’est le théorème 16 du paragraphe 8.5). Victoire !
J’ai alors arrêté d’utiliser Google, et j’ai lu la démonstration jusqu’à comprendre l’argument principal de manière à pouvoir l’adapter à ma situation. Le résultat final est le lemme 4.2 de 1« Représentations potentiellement triangulines de dimension 2 », Google « laurent berger prépublications » ou ici.. Comment faisait-on avant Google ?
17h49
Avant Google, il y avait :
la machine à café, et autour des collègues : « Tu connaîtrais pas un bouquin sur la théorie des représentations des groupes finis ? »
la cantine, avec là encore, les collègues : « Tu connaîtrais pas … ? »
la bibliothèque, il fallait commencer par chercher la classification AMS [1] du sujet “Représentation des groupes finis”, en l’occurence 20-Cxx, dans un gros livre, et ensuite aller au rayonnage correspondant de la bibliothèque.
Mais, pour le livre de Serre sur les « Représentations Linéaires des Groupes finis », il est à peu près certain
que l’étape machine à café ou cantine était suffisante.
Et fort heureusement, les outils précédemment cités, en
plus de google, existent toujours !