Voila plus d’un an que je fais des exposés « grand public ». Pas uniquement des colloques dans des départements de mathématiques mais des conférences pour des scientifiques d’autres disciplines, des étudiants de licence voire des lycéens. Il est grand temps de faire un bilan. Le sujet est sans surprise, il tourne autour de la conjecture de Poincaré, de celle de Thurston (géométrisation), des flots géométriques et des travaux de Perelman.
Le premier constat, que tous ceux qui se sont prêtés à cet exercice ont dû faire, est que c’est dur et angoissant ! Le public est rarement homogène ; je me suis récemment trouvé dans un amphi avec au premier rang quelques collégiens accompagnés de leur mère et juste derrière des physiciens du CEA. Ma première (vraie) expérience a eu lieu dans une université du sud de la France ; je me souviens du collègue enthousiaste (il se reconnaîtra) qui avait fait de la publicité auprès de ses élèves de magistère et m’a demandé de l’aider à ajouter des chaises car l’amphi aurait pu être trop petit. Un seul étudiant est venu ; j’ai fait l’exposé en m’adressant à lui et en essayant d’oublier la dizaine de collègues du département qui s’étaient déplacés !
Le second constat est que cette activité m’a beaucoup apporté quant à ma connaissance et ma compréhension du sujet. J’avais l’habitude de présenter les flots géométriques par ce qu’on appelle le raccourcissement des courbes avec des animations et des images prises ici ; vient ensuite le discours standard sur les surfaces et leur classification et enfin, suivant le public, un peu de courbure et même l’équation du flot de Ricci. Puis, j’ai découvert que ces déformations de courbes sont utilisées en imagerie pour « nettoyer » les images, les débarrasser du bruit. En voulant en savoir plus j’ai découvert un sujet passionnant au point de co-organiser, avec mes collègues Hervé Pajot et Boris Thibert deux journées sur le thème images, E.D.P. et géométrie. Cela a été l’occasion de resserrer les liens avec les mathématiciens appliqués de mon université (quelle honte de ne pas l’avoir fait plus tôt !). Finalement, les spécialistes d’imagerie ont fait de tels progrès que j’ai demandé à mes élèves de voir si certaines de leurs méthodes peuvent s’adapter au flot de Ricci (nous sommes toujours à la recherche d’une preuve sans chirurgie).
Le dernier constat est maintenant un sentiment de frustration. Je ressens, en effet, le besoin de passer à un stade supérieur. L’idéal serait de faire un film sur le modèle de « Dimensions », c’est-à-dire de qualité professionnelle. J’ai le scénario mais pas les moyens techniques, si mon ami Étienne Ghys lit ce billet il aura peut-être une suggestion. Voilà j’ai parlé de mon expérience mais il y en a beaucoup d’autres. Par exemple, Pierre Bérard qui a fait une conférence sur la courbure au Rotary club de Chambéry (le public était constitué de notaires, de médecins à la retraite, d’avocats, donc avec une culture scientifique minimale) ou mes jeunes collègues de Grenoble qui organisent la prochaine réunion de l’association Math en Jean ; plus de 1000 élèves de lycées et collèges à occuper en leur racontant des mathématiques !
J’entends d’ici ceux qui vont dire que, oui certaines mathématiques se prêtent à la vulgarisation mais pas toutes. Je n’y crois pas ! Certains sujets vont nécessiter plus de travail mais tout est possible. Surtout, nous ne devons pas laisser cela à des spécialistes de la vulgarisation, coupés de la recherche. Ce site répond en partie au besoin de vulgarisation mais rien ne vaut le contact direct.
Ce billet n’a certainement aucun intérêt, mais il m’a au moins servi à faire le point.
Pour se faire une autre idée on peut lire le billet d’Annick Lesne.
10h38
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