Quatre cent cinquante élèves ont fait des mathématiques à Bobigny pendant trois jours.
Vous l’avez vu dans ce billet d’Étienne Ghys, le Congrès de Math.en.Jeans s’est tenu les 1er, 2 et 3 avril. Dans ce même billet, il vous a été rappelé ce qu’était le principe de Math.en.Jeans, je n’y reviens donc pas.
Sachez quand même que l’association et ses activités existent depuis les années 1980 et qu’il s’agit de faire faire des mathématiques en groupes, à des élèves, en associant des professeurs de lycées et collèges et des chercheurs. Durant le Congrès, les élèves présentent leurs recherches à leurs camarades, comme dans un congrès de mathématiciens. Comme l’a dit Étienne dans son billet, c’est un tel succès que le Congrès de cette année s’est éclaté (au sens propre aussi).
C’est pourquoi je suis allée…
... le 1er avril, à Bobigny...
Commentaires d’ambiance. Il faisait assez beau et il y avait foule à la sortie du métro (La Courneuve-8 mai 1945, à un bout de ligne 7 du métro parisien, contrairement à ce que vous pourriez croire en regardant l’illustration, qui évoque une station de la ligne 5) à cause du grand marché qui se trouve là. À dix minutes à pied, l’IUT de Bobigny, où l’Université de Paris-Nord accueillait un des éclats du Congrès.
Les élèves—spectateurs, d’abord. Un énorme amphithéâtre, 600 places, 250 de plus que le grand auditorium de la BNF 1Où se donnent les conférences de mathématiques « grand public » du cycle Un texte, un mathématicien., tout neuf et très bien équipé. Lorsque j’y suis entrée pour y installer mon ordinateur, il était complètement vide. Rien de plus terrifiant qu’une telle salle vide : et s’il ne venait personne ? Finalement 450 élèves, de la sixième (aïe !) à la terminale, plus leurs professeurs, qui écoutèrent sagement les discours d’inauguration, puis une conférence sur les nombres de Queneau (pour l’adéquation géographique).
Les élèves acteurs : le tétraèdre de Sierpinski
Puis est arrivé le moment qu’ils attendaient vraiment, celui d’exposer leur travail à leurs camarades. Les deux amphithéâtres où ces exposés étaient donnés en parallèle étaient moins grands, certes, mais quand même impressionnants.
Je vous raconte le premier exposé auquel j’ai assisté. Il y était question de colorier un tétraèdre de Sierpinski… qui est au triangle de Sierpinski 2Du nom du mathématicien polonais Waclaw Sierpinski (1882—1969).(comme sur cette figure) ce que le tétraèdre est au triangle. On peut le considérer comme un grand tétraèdre dans lequel on a creusé des trous de forme octaédrique 3C’était passé inaperçu, j’avais écrit « traédrique », mais les trous ont bien huit faces. Merci à François Gaudel pour la correction.. Le tétraèdre en tickets de métro qui est le logo de ce billet est une approximation du tétraèdre de Sierpinski, réalisé par les élèves qui présentaient l’exposé et qui tenaient aussi un stand dans lequel on pouvait « fabriquer soi-même son tétraèdre de Sierpinski » en tickets de métro, en boules colorées ou autres, comme ceux que l’on voit sur les photographies…
L’exposé présentait d’abord la question que les élèves s’étaient posée : comment colorier un tétraèdre de Sierpinski de façon que deux faces adjacentes n’aient pas la même couleur et que les quatre couleurs soient représentées en chaque sommet ? Vous auriez dû entendre le ton sur lequel l’une d’elles répondit à la question d’un professeur :
« Pourquoi avez-vous utilisé quatre couleurs ?
— Mais enfin, c’est un tétraèdre !… »
Puis elles résumèrent les résultats auxquels elles étaient arrivées.
Bobigny, en banlieue
Le matin de ce même jour, j’avais écouté un exposé de séminaire à Jussieu (sur la ligne 7 du métro parisien) et un de mes collègues, à qui je disais que j’allais à Bobigny, me répondit : « je ne saurais même pas placer Bobigny sur une carte de France ». Au bout de la ligne de métro, tout simplement 4J’avoue que ce genre de réflexions m’exaspèrent, peut-être parce que j’ai vécu mon adolescence et la période du lycée dans la ZUP (qu’on n’appelait pas encore une « cité ») d’Argenteuil… en banlieue..
Pendant l’inauguration du Congrès, certains discours firent allusion au fait que, oui, bien sûr, on était dans la Seine-Saint-Denis, mais, oui, le labo de maths était quand même très bien. Bourrés de complexes !
Certes le labo de maths est excellent, mais il n’y a pas que lui.
Nadra, Sandrine et Janany, les trois spécialistes du tétraèdre de Sierpinski, sont élèves de première S au lycée Louise Michel 5J’ai vraiment choisi l’exposé de ces élèves complètement par hasard, mais j’avoue que le nom de Louise Michel m’a enchantée, comme les lecteurs de ce billet d’Aurélien Alvarez (et d’ailleurs aussi de notre article du 1er Avril) s’en doutent peut-être.de Bobigny (c’est un hasard, le groupe qui parlait après elles venait de Bordeaux).
Après les avoir écoutées, je me suis demandé si ces complexes avaient bien lieu d’être…
Pourquoi ce billet aujourd’hui ? Eh bien, je devais écrire un billet vendredi dernier, tout de suite, en sortant du congrès, j’avais pris des photos, demandé aux élèves leur accord pour mettre leurs photos dans l’article (j’avais fait beaucoup de publicité pour le site Images des mathématiques pendant la conférence), j’avais noté leurs prénoms… et en arrivant à la maison, je me suis aperçue que j’avais oublié 6La journée avait été longue et difficile !, en particulier, le câble de mon appareil photo à Bobigny. J’ai donc annoncé que je n’écrivais pas le billet et attendu de récupérer ma « connectique »…
Post-scriptum
Je remercie Nadra, Janany et Sandrine pour l’autorisation de publier les photos qui illustrent cet article.
12h30
J’aime bien ce tétraèdre de Sierpinski en tickets de métro, c’est un peu normal ; j’aime les maths et je collectionne les tickets de métro.
Existe-t-il un document expliquant sa construction ?
Fin 2009 il y a eu à Nantes un « défi » dans le même esprit pour fabriquer une « éponge de Menger » en tickets de tramway, il en fallait 66048 !
http://www.defi66000.fr/accueil.php?acces=V&bckgcol=FFFF00&fsize=16pt&charcol=000000&fweight=plain
Cela avait attristé mes amis collectionneurs de tickets de voir tous ces tickets perdus à jamais pour leur collection, mais ils ont vite oublié et se sont consolés depuis 🙂
Merci pour ce compte-rendu.
21h52
Oui, il fallait dire à l’inauguration du congrès Maths en Jeans que le département de mathématiques de l’université Paris XIII est de premier plan. J’assume totalement l’avoir fait. Je l’aurais dit à propos d’une autre université, et même de Strasbourg ou : le message selon lequel les universités françaises, et notamment les labos de maths, sont réputés dans le monde entier, doit être dit et redit, surtout quand on s’adresse à des collégiens et lycéens
6h30
Cher Martin
Les universités françaises sont excellentes, c’est entendu, et nous sommes tous très forts. Je te remercie de l’avoir rappelé, une fois de plus, sur ce site.
Ma remarque ne visait pas ton intervention : en tant que versaillais, il va sans dire que tu n’as pas le « complexe neuf-trois ».
Mais tu n’étais pas seul à l’inauguration, et je pensais à un autre discours officiel (de la Seine-Saint-Denis, lui).
15h34
Certes cette intervention peux manquer d’objectivité… mais elle n’en demeure pas moins pertinente.
Bruno MarsJessie JColonel Reyel
16h02
Elle manque d’objectivité, en effet : puisqu’elle est
pour les mathématiques,
pour la créativité des élèves,
contre le racisme social,
pour les tétraèdres en tickets de métro,
pour Raymond Queneau,
pour le métro parisien, etc.
Et, si j’espère qu’elle est pertinente, j’espère aussi qu’elle est impertinente !