Darwin et les mathématiciens

Écrit par Pierre Pansu
Publié le 8 février 2013

Le 23 janvier dernier, c’est Sylvie Méléard qui a ouvert l’édition 2013 du cycle de conférences « Un texte, un mathématicien » à la Bibliothèque Nationale de France, organisé en partenariat avec la Société Mathématique de France (SMF). Son titre alléchant, « Darwin, le hasard et l’évolution », avait attiré un public nombreux (un second amphi, avec retransmission vidéo, a été nécessaire) qui n’a pas été déçu.

Darwin n’était pas mathématicien, son ouvrage « L’origine des espèces… » ne s’appuie sur aucun résultat mathématique. Néanmoins, Darwin a eu l’intuition de mécanismes mathématiques. C’est pourquoi des générations de mathématiciens se sont attachées à ses idées. Cette suite d’intuitions, et les travaux mathématiques qu’elles ont suscités jusqu’à nos jours, ont été le fil conducteur de la conférence magistrale de Méléard.

Dans « L’origine des espèces… », on ne trouve qu’une figure, qui représente un arbre des espèces. Certaines branches se multiplient beaucoup, d’autres meurent. Galton et Watson (redécouvrant une idée oubliée de Bienaymé) ont bâti un modèle d’arbre aléatoire qui est l’acte de naissance de la dynamique des populations probabiliste (qui se place au niveau des individus). Ses raffinements sont utilisés de nos jours pour étudier l’extinction d’espèces et la biodiversité.

Darwin pensait que l’avantage apporté par un trait (je cours plus vite que les autres…) pouvait suffire à assurer la fortune d’une espèce. Or, par reproduction sexuée, l’influence d’un trait semble divisée par deux à chaque génération. Ce sont Mendel et Hardy (le grand spécialiste de théorie des nombres) qui ont apporté une solution à ce paradoxe qui tourmentait Darwin et Galton. Hardy a montré que, dans le cadre des lois de Mendel, la distribution des génotypes est constante dès la seconde génération, ce qui garantit le maintien de la biodiversité.

Comme Maupertuis, Darwin pensait que c’était le hasard qui était à l’origine de l’apparition de nouvelles espèces, et que la variabilité des individus permet d’en produire certains mieux adaptés à l’environnement. Comment expliquer que ces individus croissent et se multiplient ? Le statisticien Fisher a incorporé les lois de Mendel et la sélection naturelle au modèle de Galton. Il a montré que les descendants d’un mutant peuvent envahir la population, ou au moins coexister avec l’espèce qui les a engendrés.

Fisher et Wright ont examiné la nature des arbres généalogiques des individus. Leur étude confirme l’hypothèse darwinienne que la plupart des êtres vivants sont issus d’un petit nombre d’ancêtres. L’arbre typique a une forme asymptotique, un arbre aléatoire continu, appelé coalescent de Kingman. Il sert de fondement à de nombreuses modélisations en biologie.

Grâce à la logistique d’Animath, il y avait dans la salle 4 classes de terminale et 2 classes de première que des pré-conférences* avaient préparées à cette soirée, et un groupe d’étudiants dijonnais à qui la {BNF avait proposé un programme de visite d’une journée. Une vente de livres complétait le dispositif. Le cycle Un texte, un mathématicien se poursuivra le 13 février avec une conférence de Yann Brenier sur « Euler et les jets d’eau de Sans-Souci ».

Le riche programme du cycle Un texte, un mathématicien (qui en est à sa 9ème année) est-il réservé aux Parisiens ? Non. D’abord, les conférences sont filmées, les vidéos sont disponibles sur le site de la BNF avec quelques semaines de délai. En outre, les conférenciers peuvent être sollicités pour redonner leur conférence (ou en donner une autre) hors d’Ile de France. C’est ce qu’a fait Laure Saint-Raymond le 15 janvier à Rennes, où elle a parlé de « Boltzmann : un précurseur pour la modélisation de la haute atmosphère ».

* Données par Manon Costa, Camille Coron, Hélène Léman, Vincent Bansaye.

ÉCRIT PAR

Pierre Pansu

Professeur - Université Paris-Saclay

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Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .

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