Courbure et distance de Hausdorff

Écrit par Pierre Lecomte
Publié le 26 décembre 2011
Version espagnole

Un cercle a une courbure d’autant plus prononcée que son rayon est petit. Cela se voit bien en observant les cercles tangents en un même point à une droite, comme illustré sur la figure suivante. Plus le rayon est petit et plus le cercle « s’écarte » de la droite. Inversement, plus le rayon grandit et plus le cercle donne l’impression de s’en « rapprocher ».

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Soyons prudent avec de telles affirmations : si, intuitivement, le demi-cercle délimité par le diamètre parallèle à la droite et contenant le point de tangence semble s’aplatir progressivement sur elle à mesure que le rayon croît, il y a toujours des points dont la distance à la tangente vaut ce rayon, et qui sont donc arbitrairement éloignés de la droite.

Il est vrai qu’ils sont également de plus en plus éloignés du point de tangence. On peut donc espérer rendre rigoureuses les affirmations en question en se limitant à un segment de la tangente et en observant les arcs des demi-cercles qui se projettent dessus (et, pour simplifier, situés d’un même côté de la tangente).

Nous allons ainsi fixer un segment de la tangente dont le milieu est le point de tangence des cercles et observer les arcs de cercles délimités par deux demi-droites perpendiculaires à la tangente menées par les extrémités de ce segment. Ceci est illustré sur le dessin suivant où le segment et quelques arcs sont représentés en rouge.

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Nous noterons \(2\ell\) la longueur du segment et \(r\) le rayon d’un cercle tangent. Lorsque \(r\leq \ell\), le cercle se projette tout entier dans le segment. Ce sont plutôt les cercles pour lesquels \(r>\ell\) qui nous intéressent, ce qui n’est pas une restriction puisque nous nous apprêtons à faire tendre \(r\) vers l’infini.

L’ensemble des parties compactes non vides d’un espace euclidien \(E\) est muni d’une distance bien utile en géométrie : la distance de Hausdorff. C’est elle que nous allons utiliser pour exprimer le fait que les arcs de cercles tendent vers le segment. Voici comment elle est définie.

Tout d’abord, à toute partie (non vide) \(e\) de \(E\) et à tout nombre réel positif \(t\), on associe ce que j’appelle parfois le \(t\)-épaissi de \(e\), à savoir l’ensemble des points situés à une distance au plus \(t\) de \(e\) :

\[ e_t=\{x\in E|d(x,e)\leq t\}\]

C’est l’union des boules fermées de rayon \(t\) centrées en les points de \(e\). Voici par exemple ce que cela peut donner pour un pentagone dans un plan. Dans ce dessin, le pentagone est coloré et le trait noir représente la frontière d’un de ses épaissis.

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La distance de Hausdorff de deux compacts non vides \(e\),\(f\) est alors

\[d_H(e,f)=\inf\{t\in]0,+\infty[\ |\ e\subset f_t\quad \&\quad f\subset e_t\}\]

Il est facile de vérifier que cette formule définit bien une distance sur l’ensemble des compacts non vides de \(E\) mais je ne le ferai pas ici. On peut aussi établir que \(d_H\) fait de cet ensemble un espace métrique complet, séparable, dont les compacts sont les parties bornées et fermées.

Ce dernier admet un fermé privilégié : l’ensemble des convexes compacts non vides, sur lequel non seulement la mesure de Lebesgue mais aussi toutes les fonctionnelles de Minkowski1Pour un convexe compact non vide, la mesure de \(e_t\) est un polynôme en \(t\), dont le degré est la dimension \(n\) de \(E\) : \[\mathrm{mes}(e_t)=\mu_0(e)+\mu_1(e)t+\cdots +\mu_n(e)t^n\] Les \(\mu_i\) sont les fonctionnelles de Minkowski. La première est la mesure de \(e\); dans le cas plan, la seconde est son périmètre; c’est sa surface latérale en dimension 3, etc. La dernière est indépendante de \(e\). C’est toujours la mesure des boules de rayon \(1\). sont continues, ce qui explique pas mal de choses.

Par exemple, la suite des polygones réguliers inscrits dans un cercle (et dont on impose un sommet commun, par exemple) tend vers le disque délimité par ce cercle au sens de la distance de Hausdorff. Dès lors non seulement l’aire des polygones tend vers celle du disque mais encore leur périmètre tend vers la longueur du cercle.

Revenons à notre modeste problème de départ et vérifions que, lorsque le rayon tend vers l’infini, les arcs de cercles considérés tendent, au sens de la distance de Hausdorff, vers le segment de la tangente sur lequel ils se projettent.

On le voit sur la figure suivante, lorsque \(r>\ell\), la distance de Hausdorff \(\delta\) entre l’arc de cercle de rayon \(r\) et le segment de droite qui nous intéressent est la longueur du segment séparant deux de leurs extrémités, situées du même côté du point de tangence, comme par exemple les points notés \(P,Q\) ci-dessous.

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Un petit calcul donne

\[ \delta=\|\overrightarrow{PQ}\|=r-\sqrt{r^2-\ell^2}\]

Par suite,

\[ \lim\limits_{r\to+\infty}\delta=\lim\limits_{r\to+\infty}\frac{(r-\sqrt{r^2-\ell^2})(r+\sqrt{r^2-\ell^2})}{r+\sqrt{r^2-\ell^2}}=\lim\limits_{r\to+\infty}\frac{\ell^2}{r+\sqrt{r^2-\ell^2}}=0\]

conformément à l’intuition.

Post-scriptum

Ce texte a été publié initialement sur le blog de l’auteur.

ÉCRIT PAR

Pierre Lecomte

Professeur - Département de Mathématique de l'Université de Liège.

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Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .

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