Confinement et recherche mathématique

Écrit par Nils Berglund
Publié le 2 avril 2020

Comment les chercheurs peuvent-ils se rencontrer en pleine crise du Coronavirus ?

Les mathématiciens comptent sans doute parmi les chercheurs les moins impactés par les règles actuelles de confinement. En effet, du papier, un crayon, et une connexion Internet pour accéder à la littérature et échanger avec ses collaborateurs devraient suffire à la plupart de leurs activités de recherche. Depuis deux semaines, en plus des tâches liées à l’enseignement et à l’administration, que j’essaie d’assurer au mieux par courriel, téléphone et visioconférence interposées, j’ai pu faire avancer un petit peu un projet de recherche en cours. Que pourrais-je donc souhaiter d’autre ?

Il s’avère que pour pouvoir progresser dans leur recherche, les mathématiciens ont aussi besoin de se rencontrer, afin de se raconter mutuellement leurs travaux, et d’échanger des idées. Il est souvent plus facile de comprendre un travail en écoutant un exposé qu’en lisant un article de recherche, au moins dans un premier temps. C’est pour cela qu’il existe des séminaires et des congrès, qui jouent un rôle fondamental dans la vie de la communauté scientifique.

En cette période de confinement forcé, tous les séminaires et congrès ont, bien sûr, été annulés. Cela fait deux semaines qu’il n’y a plus eu d’exposé au séminaire de mon laboratoire, et j’ai été contraint d’annuler trois déplacements prévus entre mi-mars et mi-avril.

C’est pour cela que j’ai été ravi d’apprendre la très belle initiative lancée par Andreas Kyprianou, de l’Université de Bath au Royaume-Uni, et Leif Döring, de l’Université de Mannheim en Allemagne. En effet, ces deux collègues ont décidé de créer le One World Probability Seminar, un séminaire de probabilités entièrement fait à distance, et accessible à tous. Je relate ci-dessous mes premières impressions, d’autres initiatives (mentionnées à la fin du texte) fleurissent dans nombre d’autres domaines.

La première séance de ce séminaire a eu lieu jeudi 26 mars. Les deux orateurs étaient Andreas Kyprianou et Nathanael Berestycki, de l’Université de Vienne. Chacun était installé chez soi, et en partageant l’écran de son ordinateur, via un logiciel de visioconférence (en l’occurrence, le logiciel Zoom), a donné son exposé en faisant défiler les diapos correspondantes. Vous pouvez retrouver les exposés enregistrés et les diapos ici, sur le site du séminaire.

J’ai compté 423 participants, connectés depuis de nombreux pays, qui assistaient à distance à ces exposés. Afin d’éviter les interférences, l’organisateur de la session a coupé tous les micros sauf celui de l’orateur. Toutefois, une option du logiciel permet à un participant de « lever la main » pour signaler qu’il a une question à poser. L’organisateur peut alors décider de lui donner la parole en activant son micro — ou pas. On a vite remarqué qu’une meilleure façon d’intervenir était via le chat fourni par le logiciel ; d’ailleurs, des participants experts du sujet répondaient souvent aux questions posées directement sur le chat, sans que cela interrompe l’exposé.

Outre l’intérêt des exposés, j’ai été content de voir dans la liste des participants les noms de nombreux collègues, en France, en Allemagne, en Italie, en Suisse, au Royaume-Uni, et dans beaucoup d’autres pays. C’est rassurant de voir notre communauté continuer à exister en ces temps inhabituels !

Le prochain séminaire de la série aura lieu jeudi 2 avril, à 15 heures (heure d’Europe centrale), avec des exposés de Richard Nickl (Cambridge), et Hugo Duminil-Copin (IHES et Université de Genève). Si vous êtes anglophones et voulez les écouter, n’hésitez pas à nous rejoindre, les explications sur comment faire se trouvent ici.

Ou peut-être voulez-vous lancer votre propre séminaire en ligne ? Les séminaires dont j’ai connaissance sont

  1. Probabilités : One World Probability Seminar
  2. Combinatoire : Paul Seymour
  3. Informatique théorique : TCS+
  4. Théorie des nombres : Princeton

N’hésitez pas à nous signaler d’autres initiatives similaires, que ce soit pour la recherche ou pour faire cours (comme l’un de mes collègues à Orléans, qui anime son groupe de TD de cette façon) ; vous pouvez les indiquer via les commentaires de cette brève.

Mise à jour du 2 avril :

Voici une liste de liens vers des séminaires en ligne signalés dans les commentaires :

  1. Groupes et géométrie : Liste de Chris Natoli
  2. EDPs : One World PDE Seminar

 

Mise à jour du 10 avril :

 

Mise à jour du 13 avril :

Post-scriptum

Merci à Jérôme Buzzi et Laurent Bartholdi pour leur relecture et leurs remarques sur une première version de ce texte.

ÉCRIT PAR

Nils Berglund

Professeur - Institut Denis Poisson - Université d'Orléans

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Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .

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