Carrément obscur

Écrit par Pierre Gallais
Publié le 17 décembre 2010
Version espagnole

On ne présente plus Piet Mondrian . C’est assez clair !

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L’actualité de l’exposition au centre Pompidou à Paris me donne l’occasion de vous inviter à la voir. On gagne toujours à revoir ses classiques, surtout lorsqu’une rétrospective permet de suivre le chemin suivi par l’aventurier. Ceci me permet de mettre l’accent sur une démarche qui part du concret pour s’extraire lentement vers des concepts abstraits.

On connaît l’aventure de la perspective qui extrait de la réalité quelques règles pour les peintres et se dépouille lentement de ses oripeaux pour devenir la géométrie projective. Si on ne connaît pas l’histoire, que l’on reçoit en pleine face la géométrie projective … il se peut qu’on ne fasse pas immédiatement le lien avec son ancêtre. Ce fut mon cas … je développerai sans doute une prochaine fois.

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Alors que la forme « Mondrianesque » est passée dans le domaine et l’usage public il se peut bien que son histoire, plus brève que celle de la perspective, nous soit inconnue. Télérama consacre un numéro spécial à Mondrian à l’occasion de cette exposition. Ce que je pourrais dire serait redondant … tant pis je tenterai un raccourci.

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Il n’est pas évident d’extraire de la réalité des concepts et la démarche suivie est bien souvent obscure. Pour exemple je me souviens d’avoir été bien étonné, intéressé, enthousiasmé en lisant Les somnambules d’Arthur Koestler, nous relatant la longue aventure de l’astronomie jusqu’à Copernic, Kepler, Galilée, Newton 1nouvellement réédité à Les belles lettres pour 13€ , un pavé … rapport plaisir/prix, on est gâté.. Ce qui semblait rationnel et presque naturel pour un étudiant, au travers de l’enseignement qu’il recevait, devenait une aventure humaine chargée de tant d’irrationalité, de voies sans issues, de chemins creux … On était bien loin des autoroutes et de la ligne droite.

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L’aventure de Mondrian est plus… brève … mais bien équivalente. Une démarche théosophique a guidé ses pas dans cette forêt vierge qu’il cherchait sinon à défricher, déchiffrer sans doute, puis épurer. On ne réussit pas sans peine, hésitations ou tâtonnements, à extraire de la réalité vaste et confuse sinon une géométrie, des rythmes abstraits. Si on ne retient de lui que ses tableaux clairs, on passe à côté de ce qui fait la richesse de l’aventure humaine et la singularité du « génie » (?). Nos meubles, certains vêtements (une certaine mode, un temps) nous semblent maintenant si naturels … même si nous demeurons encore un peu froids devant ses tableaux de la maturité.

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Mondrian insista beaucoup sur le fait qu’il n’appliquait aucun système géométrique et que seul son intuition le guidait. De fait, en regardant les esquisses ou ébauches de ses tableaux, on observe beaucoup d’hésitations, de repentirs. Cependant on doit bien admettre qu’une logique « floue » de sa sensibilité se constitue et prend corps … s’échelonnant sur de nombreuses années. Comme quoi, cela ne devait pas lui être évident.

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L’art comme la science sont bien des aventures humaines et il est rassurant quand on doute de s’apercevoir qu’il n’y a pas de gêne à avoir de se tromper. Il faut oser … garder un esprit critique, certes, mais ne pas s’arrêter en chemin … trop tôt, tout du moins. Une obsession à son objet ou sujet — ennuyeuse pour l’entourage sans doute — est nécessaire ! Obsession et passion … désir et plaisir … ténacité et courage.

Jubilation aussi … et je songerai à un Monde riant …

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2derniers tableaux … New York l’aurait-il un peu débridé ou bien … le problème résolu, il pouvait se laisser aller à plus de légèreté ?… à 70 ans !

… en vous souhaitant un Joyeux Noël !

Post-scriptum

Toutes les images ont été extraites du catalogue de l’exposition au Haags Gemeentemuseum de La Haye en décembre 1994. Dans l’ordre sur ce billet :
Composition losangique avec jaune, noir, bleu, rouge et gris (1921);
Arbre rouge (1908-1910) ;
Arbre gris (1911) ;
Pommier en fleur (1912) ;
Jetée et océan (1915) ;
Composition losangique avec deux lignes noires (1931) ;
Victory Boogie Woogie (1942-1944) inachevé.

Logo : Composition N° 12 avec bleu (1937-1942).

ÉCRIT PAR

Pierre Gallais

Plasticien, mathématicien - Institut de Mathologie

Commentaires

  1. Ludmila
    décembre 21, 2010
    7h31

    Pour ajouter un peu de mathématiques :
    dans Mondrian, tout est droit, même les angles.

  2. le_cheveulu
    décembre 27, 2010
    9h59

    « On ne présente plus Piet Mondrian . C’est assez clair ! »

    On ne dénonce plus le nombrilisme parisien bourgeois, c’est assez clair !!

    Franchement, pour laisser croire que les mathématiques sont une science réservée à une caste supérieure complètement déconnectée des réalités, il n’y a pas mieux…

  3. Pierre Gallais
    décembre 27, 2010
    20h51

    Ouille, ouille, ouille !!
    Je ne comprends pas bien ! Mais quant à laisser croire que les mathématiques sont une science réservée à une caste supérieure … c’et plutôt le contraire que je voudrais défendre. Egalement : que la démarche chez certains artistes est aussi lente et semée d’incertitudes que dans l’aventure mathématique ou scientifique.

  4. le_cheveulu
    décembre 28, 2010
    17h16

    J’ai bien compris votre démarche, mais le texte qui l’enrobe induit chez le lecteur non initié le sentiment d’être complètement inculte doublé d’une distanciation sociale (je ne développerai pas ce dernier point mais il serait à analyser). Pour ma part, ne connaissant rien à Piet Mondrian (je le découvre avec vous et en ce moment même en écoutant RFI), je me sens blessé par les phrases du type :

    « On ne présente plus Piet Mondrian . C’est assez clair ! »
    « On gagne toujours à revoir ses classiques »
    « Alors que la forme « Mondrianesque » est passée dans le domaine et l’usage public »
    « Nos meubles, certains vêtements […] nous semblent maintenant si naturels … »

    Imaginez par exemple, qu’un matheux ait écrit :

    « Nous ne présentons plus Laurent Schwartz, cela va de soi ! On gagne toujours à relire ses classique avec sa célèbre théorie des distributions utilisées entre autre en mécanique quantique qui nous semble si naturelle aujourd’hui. »

    Ce serait faire preuve d’un manque de considération envers le lecteur (à moins que l’on s’adresse à des initiés bien sûr, mais ce n’est pas le cas de ce site il me semble).

    A la lecture de cet article un lecteur ne connaissant rien en mathématique, soit s’en va immédiatement ailleurs, soit fait l’effort de lire jusqu’au bout mais avec le gout désagréable de l’inaccessible. Un échec pour la vulgarisation.

  5. Michèle Audin
    janvier 1, 2011
    17h27

    Je milite sur ce site contre les « paroles excluantes », essayant de faire disparaître les formulations telles que

    « tous les élèves de troisième savent que »

    « on ne présente plus »

    « le lecteur croit qu’il suffit de considérer le gradient »

    etc. Le billet que vous lirez en cliquant sur les mots rouges ci-dessus prenait en exemple le langage ultra-snob de la musique classique, pour faire comprendre ça aux mathématiciens. Apparemment la peinture peut frapper aussi.

    Je soutiens les initiatives allant contre ce type de formualtion. Et j’en profite pour vous présenter mes meilleurs vœux pour 2011… sans paroles excluantes !

    Michèle Audin

    ps. Je ne vois pas trop le rapport quand même avec le « nombrilisme parisien » (si je me souviens bien, Mondrian était néerlandais, et j’ai cru comprendre que l’auteur du billet est lyonnais).

  6. le_cheveulu
    janvier 1, 2011
    18h15

    Tous mes voeux également Michèle. Content de rencontrer des confrères dénonçant la même chose.

    Pour répondre au post-scriptum sur le nombrilisme parisien, je ne faisais évidemment pas référence à Mondrian. Je m’attaquais à l’invitation à aller voir l’expo à Beaubourg qui exclue de fait 80% de la population française. Je sais c’est un coup bas, mais cela fait aussi partie du « il va de soi, c’est à Paris ! » profondément agaçant.

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Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .

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