Notre association, créée en mai 2020, fait vivre l’art et la science à travers des expériences partagées, avec une attention particulière portée aux mathématiques. L’idée de notre projet Streetmath : faire vivre les images mathématiques dans l’espace public. Nous voudrions la partager avec la communauté, pour emmener Streetmath partout où souffle le vent. Pour le moment, nous faisons les dessins éphémères à la craie.
Lors des séances de Streetmath, certains objets et images sont découverts pour la première fois par le public (comme la fractale de Sierpinski ou les nœuds) ; certains autres (droites tangentes, cercles, symétrie axiale…) sont déjà familiers, mais gagnent en couleur dans l’imaginaire des participants !
Où et quand : sur les places de Lyon, un dimanche par mois.
Matériel : Grosses craies de trottoir (compter 5-7 craies par personne et par heure) ; plusieurs cordelettes de taille adaptée d’une dizaine de mètres (pour certains motifs) ; un peu d’eau et des éponges pour effacer – en cas d’erreur. Matériel spécifique : voir les activités.
Avec qui : Tou.te.s les volontaires ! Nous lançons l’appel sur nos réseaux, cela nous amène un public très varié, en âge et en culture mathématique. Les passants se joignent à nous pour participer en cours de route. Activité adaptée aux familles, avec des enfants à partir de 6 ans.
Avant de se lancer : S’assurer que le lieu correspond à l’activité proposée (pas trop de passage, place suffisante, dallage adapté au motif, qualité du sol – un sol granuleux demande beaucoup de craie !), et que le temps est bon (éviter Streetmath sur le sol mouillé !).
Nos critères pour le choix des motifs : Assurant une œuvre collective, esthétique et mathématiquement intéressante en partant d’instructions simples. Nous décrivons ici cinq de nos activités notées sur la grille ci-dessous, selon les critères suivants (entre 1 et 3 points, 3 étant la note la plus haute) :
- Les instructions sont-elles claires et simples ?
- La mise en place est-elle facile ?
- Le dessin a-t-il plusieurs parties indépendantes ?
- Le résultat est-il mathématiquement intéressant ?
Chaque critère est noté entre 1 et 3 points, 3 étant la note la plus haute.
Contact : pour vos idées des activités Streetmath, plus d’informations, la banque des photos prises lors des activités, commande des cartes postales avec des photos des œuvres Streetmath créés à Lyon, vous pouvez voir notre site.
Le triangle de Sierpiński (fractale)
Lieu : grande place avec des pavés en quinconce
Fait par : 12 personnes (dont 5 enfants) en deux heures, pour un triangle à 128 lignes.
Principe mathématique : Le triangle de Sierpiński est une fractale dont la forme globale est celle d’un triangle équilatéral, subdivisé de façon récursive en triangles équilatéraux plus petits. Il existe de nombreuse manière de construire cette fractale ; l’une d’elles est par automate cellulaire : dans une grille infinie, à chaque étape de nouvelles cases sont coloriées, en fonction de l’état (colorié ou non) de leurs voisines. Pour plus d’informations concernant cette construction, vous pouvez consulter cet article de Tangente Magazine, ou cet article publié dans The Conversation.
Voici un triangle de Sierpiński à 128 lignes, fait par 12 personnes (dont 5 enfants) en 2h.
L’intérêt de ce motif est son autosimilarité : il est composé de trois copies plus petites de lui-même. En conséquence, on peut séparer le grand motif en trois parties indépendantes, sur lesquelles travaillent simultanément trois groupes.
Mise en place : Déterminez en amont la taille désirée (2n lignes). Trouvez une place dont les pavés soient disposés en quinconce. Coloriez le premier pavé, puis tracez des croix sur les 2n−1 pavés qui partent obliquement de part et d’autre du premier pavé. Au 2n−1+1-ème pavé, coloriez à nouveau. Les trois pavés coloriés sont les sommets des trois triangles de Sierpinski qui formeront le grand. Voici donc la mise en place du triangle de Sierpiński.
Déroulement : Formez trois groupes qui travailleront sur les trois triangles. Appliquez les instructions suivantes à chacun des trois triangles : le pavé colorié vaut 1, les autres (vides), 0. Sur la ligne en dessous, chaque pavé sera la somme des deux au-dessus de lui, avec une particularité : 1+1=0 ! Coloriez les pavés qui valent 1. Descendez ainsi ligne par ligne, en vérifiant régulièrement (symétrie, régularité du motif). Vous verrez émerger une fractale de Sierpiński.
Conseils : Tracez des croix avant de colorier – les erreurs se propagent vite, et une croix est plus facile à effacer qu’un pavé colorié. Prévoyez une personne qui vérifie qu’il n’y a pas d’erreur, et donne le feu vert pour le coloriage. Deux éléments faciles à vérifier pour repérer d’éventuelles erreurs : les lignes de hauteur ∘2n doivent être entièrement coloriées, et la figure doit avoir un axe de symétrie vertical.
Tresses, nœuds et entrelacs
Lieu : place vierge ou avec de grands pavés (pour les nœuds et entrelacs), ou grande bande (pour les tresses)
Fait par : 16 personnes, dont 7 enfants, en 2h (entrelacs) ; 5 personnes en 2h (tresse)
Principe mathématique Tous les nœuds, tresses et entrelacs peuvent être codés par des graphes, ce qui les rend bien plus simple à mémoriser et dessiner ! Pour passer du graphe à l’entrelacs, la méthode est la suivante ; on dessine au milieu de chaque arête un croisement de deux brins, puis on relie les brins en suivant le graphe, sans le traverser. Ce processus n’est pas évident et nous manquons de place ici pour l’expliquer correctement . Si vous ne le connaissez pas déjà, nous vous conseillons vivement cet article de Christian Mercat, qui le présente de façon détaillée.
Voici un entrelacs fait par 16 personnes (dont 7 enfants) en 2h ; tresse faite par 5 personnes en 2h.
Mise en place : Décidez-vous sur le nœud, l’entrelacs ou la tresse à dessiner. Tracez son graphe au sol.
Déroulement : Expliquez la méthode permettant de dessiner un nœud, une tresse ou un entrelacs à partir d’un graphe : dessiner les croisements, relier les brins, épaissir les brins, ombrer les croisements. Laissez chacun.e s’entraîner au sol sur de petits graphes. Quand tout le monde est à l’aise avec la méthode, tracez le grand entrelacs, à l’aide du graphe préalablement dessiné.
Voici le résultat de la séance d’entraînement.
Conseils : Vous pouvez choisir une place dont les pavés vont vous aider à tracer le graphe. Distribuez des petits papiers indiquant la convention pour les croisements, et/ou dessinez un tutoriel. Il est possible de colorier le complémentaire de la tresse à la fin pour la faire mieux ressortir (attention, beaucoup de craie dépensée à cet étape !).
Nous aimons aussi dessiner les tutoriels au sol : pour ceux et celles qui sont là et pour les passants qui veulent bien nous rejoindre.
Mandalas
Lieu : place vierge (et encore mieux, ronde !)
Principe mathématique : Il s’agit de créer une grande figure circulaire (mandala signifie cercle en sanskrit) avec beaucoup de symétries : 8, 12 ou 16 axes de symétrie, ou alors des symétries circulaires d’ordre 8, 12 ou 16.
Voici un mandala de 14m de diamètre à 16 secteurs, fait par 16 personnes (dont 4 enfants) en 2h, sur la place Bellecour.
C’est une activité qui laisse grande place à la créativité, car les motifs à choisir sont libres. Son intérêt est de découvrir la symétrie axiale, et de vivre de façon physique l’expérience inoubliable de tracer un grand cercle.
Mise en place : Choisissez le centre du mandala, puis dessinez plusieurs cercles concentriques (environ 8), à espacement variable (ce qui donnera des bandes de taille différentes pour la répétition des motifs). Divisez la grille circulaire en secteurs de taille égale : d’abord, dessinez un diamètre (deux personnes qui tiennent des bouts de corde, une qui trace) ; puis, divisez les angles en parties égales grâce à une des constructions géométriques suivantes : soit en reprenant la construction de la bissectrice au compas avec une cordelette, soit en utilisant une feuille de papier que vous pliez en deux pour subdiviser l’angle, en partant du centre. On obtient ainsi 8 ou 16 secteurs. À l’aide de la construction au compas de l’hexagone régulier, on peut aussi obtenir une grille à 6 ou 12 secteurs.
Déroulement : Une fois que la grille est prête, chacun.e est libre de dessiner le motif de son choix dans une case de la grille et puis s’occupe de le reporter dans toutes les cases de la bande circulaire. Plusieurs dessins se font ainsi en parallèle. On peut choisir de reporter les motifs par rotation, ou par symétrie axiale (c’est moins évident !)
Conseils : Il faut être vigilant à ne pas croiser les motifs pour ne pas créer d’incohérences — pour cela, réunissez-vous à plusieurs et créez des dessins ensemble, aidez les autres à reporter leur motif dans tous les secteurs, ornez et complexifiez les motifs déjà créés. Le dessin émerge petit à petit, et de nouveaux éléments peuvent être ajoutés dans les bandes.
Une courbe, rien qu’avec des droites
Lieu : une place vierge, ou avec des grands pavés ou autres grandes zones délimitées par des segments
Principe mathématique : La parabole est une courbe qui a la particularité d’être l’enveloppe de droites obtenues de manière bien particulière : à partir de deux familles de points alignés et régulièrement espacés, qu’on relie successivement deux à deux. Pour plus d’information sur cette construction géométrique, on pourra consulter la page Wikipedia.
Vous pouvez voir ici une parabole qui émerge de 25 droites, faites par 7 personnes en 2h (sous grand soleil !)
Mise en place Tracez deux segments (perpendiculaires ou pas) qui ont une extrémité commune — dessinez-les à l’aide d’une cordelette tendue ou en vous appuyant sur la géométrie de votre place (rebords, grilles, bord des dalles, etc.). Faites des marques régulièrement espacées (dix, vingt, trente marques… autant sur les deux segments), à l’aide d’une cordelette de taille adaptée. Numérotez-les, en partant de l’extrémité libre pour un des segments, et de l’extrémité commune pour l’autre.
Déroulement Reliez les marques de même numéro. En ne traçant que des lignes droites, vous verrez ainsi apparaître une courbe parfaite, un arc de parabole — comme une pensée un peu fantaisiste qui émerge par magie d’un univers rectiligne !
Conseils Vous pouvez faire un grand dessin ou plusieurs petits dessins. Cette méthode marche aussi très bien pour décorer les lettres de l’alphabet ! Voici un exemple ici — des élèves de 6e ont écrit le nom de leur collège dans la cour.
Chapitre bonus, rédigé par Nathalie Corson et Alice Ernoult, Pavages d’hexagones par des losanges
Le vent lyonnais a soufflé l’inspiration de Streetmath jusqu’en Normandie où une petite équipe de mathématiciennes s’est emparée de l’idée. En association avec des professeures des écoles, il s’agit de décliner Streetmath avec des classes pour des ateliers en deux temps. Une première partie est consacrée à la présentation du projet et des mathématiques sous-jacentes, la seconde est une réalisation artistique.
Pour chacune de ces activités, une fiche pratique présentant un déroulement possible de l’activité et le matériel associé est librement consultable. Le matériel est prévu pour être utilisable avec la présence ou non d’une personne chargée de la médiation.
Nous vous présentons ici la première activité de ce type, inspirée des cubes de Victor Vasarely. D’autres sont en cours d’élaboration.
Lieu une salle de classe et la cour de l’école ou du collège.
Matériel
- puzzle en bois ou en papier ;
- des cordes avec un noeud pour le doigt et un noeud pour la craie avec une longueur fixée (si on utilise les gabarits) ;
- un gabarit de losange par groupe d’enfant ;
- un tasseau ou tout autre objet rigide qui puisse servir de règle pour tracer les segments ;
- de grosses craies d’au moins 3 couleurs.
Principe général Cette activité menée avec des enfants (à partir 7 ans), permet de découvrir, manipuler et reproduire des pavages d’un hexagone par 12 losanges. L’observation de différents pavages et la manipulation du puzzle, avec ou sans coloriages, amènent des discussions autour de la représentation d’objets en 3 dimensions. Le puzzle sert également de modèle pour la construction géométrique, en grande taille, à l’extérieur.
Voici les réalisations d’élèves, répartis en groupes de 3 ou 4, avec une corde et des tasseaux et pour certains des gabarits.
Mise en place : Pour la discussion en classe, prévoir des dessins de différents pavages de l’hexagone par 12 losanges (avec ou sans coloriage) et les puzzles (en bois ou en papier).
Au moment du tracé dans la cour, pour les élèves les plus jeunes, il est préférable de pré-tracer le cercle et l’hexagone et de privilégier l’utilisation des gabarits.
Déroulement :
- Observation en classe de différents pavages d’un hexagone par 12 losanges ;
- Manipulation de ces pavages avec un puzzle en bois ou en papier pour faire le plan du puzzle qui sera réalisé dans la cour ;
- Construction dans la cour : tracer un cercle en utilisant la corde comme un compas, reporter la distance pour découper le cercle en 6 portions égales, tracer l’hexagone en reliant les points du cercle. Puis choisir l’une des méthodes suivantes : 1. Avec les gabarits : reproduire les losanges avec le gabarit en commençant par un sommet de l’hexagone en suivant le plan élaboré par une partie de l’équipe. 2. Sans les gabarits : partir de l’hexagone, placer le milieu de chaque côté de l’hexagone (en pliant la corde en 2), relier les parallèles aux côtés passant par deux sommets ou deux milieux, tracer au trait plus fort les losanges en reproduisant le plan prévu par la partie de l’équipe travaillant sur le plan.
- Finition par le coloriage du pavage obtenu.
Conseils Il faut accepter les imprécisions de tracé qui peuvent être facilement corrigées en grossissant certains traits, en décalant légèrement certaines parties ou au moment du coloriage. Ne pas hésiter à accompagner les enfants pour cela.
Si une personne chargée de la médiation est suffisante pour la partie en classe, l’accompagnement par plusieurs adultes est un plus pour la partie en extérieur. À titre d’exemple, lors de nos interventions, des étudiants de licence et de master de mathématiques sont venus nous prêter main forte.
Des documents ressources pour cette dernière activité sont disponibles sur le site de l’APMEP.
Post-scriptum
Vous pouvez découvrir le Chapitre 2 de cet article sur notre site.
Un mot sur les autrices de cet article. Marie Lhuissier est conteuse-mathématicienne. Marie Lhuissier et Olga Paris-Romaskevich sont co-fondatrices des Mathématiques Vagabondes.
Nathalie Corson est enseignante chercheuse au Laboratoire de Mathématiques Appliquées du Havre (LMAH), Université Le Havre Normandie. Alice Ernoult est professeure de mathématiques au lycée François 1er du Havre, membre de l’APMEP.}
Cet article a été écrit pour le numéro spécial de la Gazette de la Société Mathématique de France consacré à la diffusion qui sortira sans doute bientôt. Il a été remanié et publié récemment dans le numéro d’avril, mai, juin 2023 du bulletin « Au fil des maths » de l’APMEP (Association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public). Vous pouvez retrouver la version .pdf de cet article sur le site des Mathématiques Vagabondes dans la rubrique Streetmath.
Il est possible d’utiliser des commandes LaTeX pour rédiger des commentaires — mais nous ne recommandons pas d’en abuser ! Les formules mathématiques doivent être composées avec les balises .
Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .
Si vous souhaitez ajouter une figure ou déposer un fichier ou pour toute autre question, merci de vous adresser au secrétariat.