Évariste Galois a effectué l’essentiel de sa scolarité au Collège royal de Louis-le-Grand (aujourd’hui Lycée Louis-le-Grand), avant d’intégrer l’École préparatoire (aujourd’hui École normale supérieure), d’où il sera renvoyé un an plus tard 1Dupuy (Paul), « La vie d’Évariste Galois », Annales scientifiques de l’École normale supérieure, 3e série, 13 (1896), 197-266 ; sur l’entrée à l’École préparatoire : Ehrhardt (Caroline), Évariste Galois. La fabrication d’une icône des mathématiques, Éditions de l’EHESS, 2011..
Lors de sa dernière année à Louis-le-Grand, en 1828-1829, Galois a suivi le cours dit de « Mathématiques spéciales », un enseignement particulièrement destiné à ceux qui visaient les concours des grandes écoles.
Le jeune homme avait auparavant tenté sans succès l’examen d’entrée à l’École polytechnique ; il le tentera une seconde fois ensuite (un mois après le suicide de son père), sans plus de bonheur.
Ce cours de Mathématiques spéciales n’était pas réservé aux élèves de Louis-le-Grand, mais ouvert à un certain nombre d’établissement privés – des boites à concours –, dont la redoutable Institution Mayer 2Belhoste (Bruno), « La préparation aux grandes écoles scientifiques au XIXe siècle : établissements publics et institutions privées », Histoire de l’éducation, 90 (2001), 101-130. D’autres travaux de Bruno Belhoste apportent de précieuses informations sur l’histoire de enseignement durant cette époque : Les sciences dans l’enseignement secondaire français, tome I, 1789-1914, Éditions Economica, 1995 ; « Anatomie d’un concours : l’organisation de l’examen d’admission à l’École polytechnique de la Révolution à nos jours », Histoire de l’éducation, 94 (2002), 141-175 ; La formation d’une technocratie : l’École polytechnique et ses élèves de la Révolution au Second Empire, Belin, 2003….
L’enseignement était alors dispensé par Louis Richard, un estimé professeur, à qui le talent mathématique de Galois n’avait pas échappé. Dans un relevé de notes trimestriel souvent publié, il jugeait ainsi que son élève témoignait d’une « supériorité marquée sur tous ses condisciples » 3Dupuy, op. cit., p. 209 ; sur Richard : Brasseur (Roland), « Louis Paul Émile Richard, 1795-1849 », Bulletin de l’Union des Professeurs de Spéciales, 232 (Octobre 2010), 11-18..
De fait, Galois obtint le premier prix d’excellence parmi les élèves qui suivaient ce cours ; et arriva sixième au concours dit « général », organisé cette fois à l’échelle des toutes les Mathématiques spéciales de Paris et Versailles – ce dernier fut gagné par Auguste Bravais, du Collège royal de Saint-Louis, qui, ironie de l’histoire, laissera plus tard son nom en théorie des groupes.
Veut-on connaître le nom des condisciples de Galois en Mathématiques spéciales à Louis-le-Grand ?
Voici la composition de sa classe :
Abinal (Institution Mayer),
Aimé (Institution Mayer),
Amiel (Institution Delormeau),
Aubert (Externe libre),
Baillaud (Institution Mayer),
Belgrand (Institution Mayer),
Bellecroix (Externe libre),
Belgarric (Institution Mayer),
Berlier (Institution Mayer),
Bernard (Jacques-Pierre-Victor), né à Danzig (Prusse) (Institution Mayer),
Bissey (École préparatoire),
de Bladis ou de Blasis (Externe libre),
Boca (Institution Mayer),
Boden ou Bodin (Institution Mayer),
Bonneau (Louis-Adrien), né à Semelay (Nièvre) (Institution Mayer),
Boucheron (Institution Delormeau),
Cailliau (Institution Mayer),
Casteleyn (Institution Mayer),
Chalus (Institution Mayer),
Chandellier (Institution Mayer),
Collard (Institution Mayer),
Costar ou Costaz ou Cottard (Institution Mayer),
Cotignon (Institution Mayer),
Cormieu (Institution Mayer, puis Institution [Guyot]),
Damade (Institution Mayer),
Damas (François-Auguste), né à Dusseldorff (Institution Mayer),
De Bourge ou Debourge (Institution Mayer),
Degros (Institution Mayer),
Delaroque (Institution Mayer),
Delbousquet (Interne Louis-le-Grand),
Deleyrac (Institution Mayer),
Dellard (Institution Mayer),
Delord (Institution Mayer),
Desclaux (Institution Mayer),
Detaulle (Institution Mayer),
Domet (Institution Mayer),
Donzé (Institution Mayer),
Dubois (Externe libre),
Duhesme (Institution Mayer),
Evrard (Externe libre),
Fabre (Institution Delormeau),
Faissolle ou Fessol (Institution Mayer),
Féray (Henri), né à Paris (Institution Mayer),
Ferri-Pisani (Jean-Baptiste-Félix), né, le 12 avril 1809, à Paris (Institution Jubé),
Fleurans (Institution Mayer),
Forgeot (Institution Mayer),
Fort (Institution Mayer),
Forth (Institution Mayer),
Fournier (Institution Mayer),
Galois (Évariste), né, le 25 octobre 1811, au Bourg-la-Reine (Seine) (Interne Louis-le-Grand),
Gagneur (Institution Mayer),
Gary (Institution Mayer),
Grillet de Serry (Marie-François-Jules), né à Auxerre (Yonne) (Institution Mayer),
Guynoyseau (Institution Mayer),
Hervieu (Institution Mayer),
Holker (Institution Mayer),
Jaquet (Externe libre),
Jolly ou Joly (Institution Mayer),
Jubin (Institution Mayer),
Julien (Externe libre),
Juillé (Interne Louis-le-Grand),
Juillet (Théodore-Eugène-Armand), né à Saint-Anne (Guadeloupe) (Institution Duhamel, ou Institution Mayer, ou Externe libre),
Kergolay (Externe libre),
Kolb (Institution Mayer),
Labat (Institution Mayer),
Lagriverie ou Lagreverie (Institution Mayer),
Lalanne ou Chrétien-Lalanne (Léon-Louis[-Chrétien]), né à Paris (Interne Louis-le-Grand, puis Externe libre),
Langlier (Institution Mayer),
Larroche (Jean-Pierre), né à Terraube (Gers) (Institution Mayer),
Laudren (Institution Delormeau),
Legrand (Externe libre),
Lessan (Institution Mayer),
Lesueur (Institution [Rivaud]),
Mallet (Institution Mayer),
Marion (Institution Mayer),
Martenet (Institution Mayer),
Martin (Institution Mayer),
Maruy (Externe libre),
Mavromachi ou Mavrommati ou Mavrommaty (Institution Mayer),
Méhu (Externe libre),
Meynadier (Pierre-Jacques-Ernest), né à Saint-André de Valborgne (Gard) (Institution Mayer),
Mottard (Externe libre),
Montbrun (Institution Mayer),
Mourlhon (Jean-Louis), né à Autoire (Lot) (Institution Mayer),
Pardieu (Institution Mayer),
Paumalle (Externe libre),
Paul (Institution Mayer),
Paumalle (Externe libre),
Penhoat (Institution Mayer),
Perrio (François-Raphaël), né à Quintin (Côtes-du-Nord) (Institution Mayer),
Perrot ou Peyrot (Institution Mayer),
Perrot (Institution [Verger]) ou Externe libre),
Petier (Externe libre),
Petit (Externe libre),
Picard (Interne Louis-le-Grand),
Pinaut (Ecole préparatoire),
Pouliot (Institution Mayer),
Poyen (Institution Mayer, puis externe libre),
Quinegagne (Externe libre),
Rabault (Institution Mayer),
Rejou (Institution Mayer),
Réquier (Edouard-Jean), né à Montignac (Dordogne) (Institution Mayer),
Reverseaux (Institution Mayer),
Richaud (Institution Mayer),
Rivet (Marie-Constant-Alphonse), né à Coblentz (Institution Mayer),
Schaller (Institution Mayer),
Souen ou Rouen (Institution Mayer),
Tesson (Interne Louis-le-Grand, puis Institution ??),
Testot-Ferri ou Testot-Ferry (Institution Mayer),
Theveneau (Institution Mayer),
Tremiolles (Institution Mayer),
Vautré (Institution Mayer),
Viaris (Externe libre),
Vibraye (Institution [Verger]),
Vigier (Institution Mayer),
Vincent (Antoine) (Institution Mayer),
Vincent (Hippolyte) (Institution Mayer),
Widmer (Jules), né à Corbeil (Seine-et-Oise) (Institution Mayer).
Cette liste a été établie en compilant directement les relevés de notes trimestriels conservés parmi les archives de Louis-le-Grand, elles-mêmes déposées aux Archives de Paris 4D3T3 230.. La graphie des patronymes (ou sa lecture) varie parfois d’un trimestre à l’autre, de même que les affiliations. Les rares indications d’état-civil proviennent des brochures publiées à l’occasion des distributions de prix (Louis-le-Grand ou Concours général), annonçant les lauréats 5Distribution des prix faite aux élèves du collège royal de Louis-le-Grand le 18 août 1829, Paris, 1829, p. 83 ; Distribution générale des prix aux élèves des collèges de Paris et Versailles, Paris, 1829, p. 10..
J’ai résisté à la tentation de regarder sur le web via mon moteur de recherche favori ce qu‘étaient devenus ces élèves, afin de mieux exciter la curiosité du détective amateur qui sommeillerait en mon lecteur.
Après tout, quand bien même ils seraient un peu oubliés aujourd’hui, ces jeunes gens promis à de brillants avenirs ont pu laisser à leur mort divers mémoires, journaux ou correspondances évoquant, nommément ou non, leur camarade au talent et à la destinée hors norme.
Des témoignages sur Galois inconnus des biographes se trouvent-ils à portée de clics ? Dont un qui éclairerait les circonstances bien mystérieuses du célèbre duel qui lui coûta la vie ? Voilà ce que j’ignore !
Post-scriptum
Merci à mon relecteur Norbert Verdier pour ses pertinentes suggestions.
10h47
Bonjour, je découvre cet article avec un peu de retard et je trouve l’idée de chercher des témoignages parmi les archives qu’auraient pu laisser ses condisciples tout à fait intéressante, et vous avez fait un travail de fourmi. J’ai cherché ce matin et certains ont effectivement vécu bien au-delà de Galois dans de bonnes conditions matérielles, peut-être leur descendance a-t-elle conservé des courriers ou autres mémoires.
Plus précisément, comme ils se préparaient à l’X j’ai d’abord regardé du côté des anciens élèves de cette école grâce à ceci. Et ensuite, une fois les prénoms connus avec certitude (il y a quelques noms trop courant comme Fabre ou Fournier pour savoir lequel est le bon), j’ai utilisé un certain moteur de recherche. Il est ressorti de cette procédure les noms suivants :
un Hippolyte Aubert né en 1813 a eu une longue carrière entre armée suisse et enseignement des mathématiques ;
un Eugène Belgrand né en 1810, X-Ponts puis académicien, il a son nom sur la tour Eiffel ;
un Henri Bodin né en 1810 à Lyon, Chevalier de la Légion d’Honneur (Base Léonore côte LH/265/15)
le Louis-Adrien Bonneau est né en 1810 et est devenu capitaine d’artillerie après l’X puis maire de Vandenesse ;
un Auguste Casteleyn, né en 1810 et mort à l’infirmerie de l’X le 15 août 1831 au soir d’une péritonite (sic !) ;
un Charles de Cotignon, X1829, probablement pas ami de Galois car il obtint la croix de juillet de Louis-Philippe ;
un François-Auguste Damas né en 1809 a fait l’école Militaire de Metz après l’X mais est mort à 30 ans ;
un Gabriel Degros né en 1810, carrière militaire puis politique dans la Drôme ;
un Eugène Dubois né en 1812, Conseiller d’État, maire de Vitry-sur-Seine ;
le Jean Baptiste Félix était Comte Ferri Pisani Jourdan de Saint Anastase, général de brigade, Commandeur Légion d’Honneur (LH/962/11) ;
un Jacques Fleurans né en 1809, orphelin de père comme Galois ;
un Jules Etienne Forgeot, Général de Corps d’armée et Grand Croix Légion d’Honneur (LH/999/27) ;
un François Joseph Frédéric Gagneur, Général de brigade. Commandant en second de l’École polytechnique ;
le Marie François Jules Grillet de Serry fut X1829 ;
le Théodore Juillet-Saint-Lager né à Sainte-Anne (Guadeloupe) colonel d’artillerie puis éditeur d’un journal républicain à Alger où il décèdera ;
le Léon Louis Chrétien-Lalanne, interne à LLG comme Galois, est devenu Académicien et Sénateur, auteur de mémoires sur l’Abaque etc ;
le Jean-Pierre Larroche fut X1829 ;
un Michel Laudren X1831 mais non admissible dans les services publics de l’armée et exclu de l’école en 1833 ;
un François Joseph Agis Martenet, chef d’escadron d’artillerie et Officier de la Légion d’Honneur (LH/1754/73) ;
un Armand Blanc-Montbrun Conseiller Général de l’Isère ;
le Jean-Louis Mourlhon, directeur du chemin de fer d’Orléans et du Centre ;
un Louis Dupenhoat (ou Hervé du Penhoat) X1829 ;
le François-Raphaël Perrio, Chef de bataillon du Génie ;
un Charles Marie Eugène de Poyen, né à Basse-Terre an Guadeloupe et orphelin, X1829 et Capitaine au 6ème régiment de hussard ;
un Philippe Auguste Réjou, X1829 mais mort à 25 ans ;
le Jean-Edouard Réquier, indendant militiare et commandeur de la Légion d’Honneur (LH/2303/6) ;
le Marie Constant Alphonse Rivet, Général de Brigade, mort en Crimée en 1855 ;
un André joseph de Schaller dont le profil semble intéressant : X1830 opposé à la monarchie de juillet et insurgé des 5 et 6 juin 1832 puis colonel et décédé en 1868 ;
un Charles Henri Imbert de Trémiolles X1830 ;
un Jean Baptiste de Vautré X1830 de carrière militiare ;
un Gaëtan Viaris de Lesogno, X1831 et colonel d’artillerie ;
le Antoine Vincent, X1829 ;
le Jules Widmer, X1829 et Capitaine d’Artillerie.
Il y a donc quelques profils intéressants, je dirais : Aubert, Belgrand, Dubois, Gagneur, Chrétien-Lalanne et de Schaller. Reste à localiser leur descendance…
Il faudrait ensuite rechecher les autres noms du côté de L’École Normale et des évènements anti-monarchiques, et des cercles pro-monarchie. Je passe la main 🙂
15h15
Joli !
Vous avez d’autant plus raison sur l’Ecole préparatoire / ENS, que Bissey et Pinaud y sont déjà admis sous réserve de suivre au préalable cette Math spé à Louis-le-Grand.
L’ENS était alors en pleine restructuration. Selon ses archives, Galois n’a eu que huit condisciples en section sciences :
Bissey (Edouard), né le 21 octobre 1805 à Montabor (Orne) ;
Choffel (Jacques François), né le 25 juillet 1803 à Fresnes (Vosges) ;
Gérard (Théodore François), né à Rennes (Ille et Vilaine) ;
Lassasseigne (Jean Nicolas), né le 25 novembre 1809 à Clamecy (Nièvre) ;
Laurent (Adolphe Nicolas Hubert), né le 20 mars 1806 à Saint-Nicolas (Meurthe) ;
Moreau (Jean François) ;
Pinaud (Henry Auguste), né le 3 mars 1812 à Ruffec (Charente) ;
Pollet (Charles François Honoré), né le 17 mai 1811 à Amiens (Somme).
9h47
Ah, bien, la liste n’est donc pas si longue. M’étant piqué au jeu j’ai recherché la descendance des noms de polytechniciens les plus prometteurs (mais il faut garder à l’esprit que l’on rate peut-être une chose importante ce faisant) :
Aubert a écrit des mémoires sur sa carrière militaire mais worldcat n’en donne que quelques exemplaires en Suisse et je ne sais pas ce qu’elles contiennent. Plus intéressant, un descendant direct est membre actif d’un cercle de généalogie (donc a un intérêt pour ce genre de choses) et peut être contacté via ce site.
Belgrand : il y a une bibliographie de la BNF mais aucun titre ne semble à première vue contenir des souvenirs personnels. Et en lisant cette biographie on apprend qu’il s’est marié en 1839 sans mentionner de descendance, et cette autre biographie plus fournie ne mentionne pas d’enfants non plus.
de Schaller a, d’après ce site de généalogie, eut deux filles dont l’une finira sa vie veuve et sans ressources, donc on ne peut espérer des documents de ce côté là. Le patronyme ayant disparu la piste est plus difficile à suivre.
Je m’arrête donc ici, si d’aventure la piste Aubert vous donne des choses n’hésitez pas à en faire part ici.