Le 24 juin dernier s’est tenue à l’Institut Henri Poincaré la deuxième journée parité en mathématiques, avec pour thème l’enseignement en mathématiques et les stéréotypes de genre 1Voir le billet de Barbara Schapira sur ce site.. Sans en donner un compte-rendu détaillé, ce billet livre quelques impressions sur cette initiative.
Succès incontestable par le nombre, la diversité 2Genre, âge, origine géographique, situation dans la communauté mathématique : universitaires, enseignants du secondaire, représentants du CNRS, du ministère de l’enseignement supérieur… et la réactivité des participant-e-s, cette journée a permis de faire le point de façon lucide, constructive et combative sur la situation, toujours pas satisfaisante mais marquée par quelques avancées.
Les différents exposés ont dressé la situation factuelle de la place des femmes dans l’enseignement et la recherche françaises d’aujourd’hui (Laurence Broze), présenté l’histoire de l’enseignement des mathématiques aux jeunes filles (Évelyne Barbin), dont l’ouverture ne fut pas synonyme, loin s’en faut, d’égalité d’horaires ou de contenus avec l’enseignement dispensé aux garçons, les discriminations de genre majeures qui demeurent dans les manuels scolaires actuels de mathématiques (Amandine Berton-Schmitt), et les biais que certaines présentations « sexuées » d’exercices de mathématiques induisent dans les résultats des élèves à travers la menace du stéréotype, qui imprègne toute la société (Virginie Bonnot). Si l’une des conclusions majeures de ces exposés est assurément la persistance des stéréotypes et des discriminations envers le sexe féminin, ils ont aussi montré certains progrès3Barbara Schapira a présenté quelques avancées concrètes récentes, et Gérard Grancher la mise en place d’un outil informatique qui devrait aider à rendre plus visibles les mathématiciennes. et esquissé des voies pour améliorer la situation.
Lucidité, espoirs, contradictions
À l’université, si le (très faible) nombre de femmes professeures en section 25 diminue légèrement, les comités de sélection entièrement masculins sont beaucoup plus rares. Au CNRS, un frémissement se fait ressentir, avec un passage de la proportion de femmes de 15% à 16% en deux ans parmi les mathématicien-ne-s. Dans les Écoles Normales Supérieures, la situation des femmes n’est pas bonne en termes de proportion d’entrant-e-s, mais celles qui y entrent s’en sortent très bien. Dans l’enseignement secondaire, c’est au lycée que la répartition sexuée tant entre lettres et sciences qu’au sein des sciences (où les jeunes filles choisissent beaucoup plus la biologie que les mathématiques) s’opère largement (elle ne cesse ensuite de s’accentuer), mais les actions des mathématicien-ne-s pour promouvoir leur discipline, quoique sans doute insuffisamment nombreuses, s’avèrent fructueuses pour toutes et tous. En matière de carrière, au CNRS, l’Institut National des Sciences Mathématiques et de leurs Interactions (INSMI) a pris conscience de l’importance des problèmes de parité ; son initiative récente pour tenir compte des congés de maternité dans l’attribution des délégations constitue un succès (les femmes ne se censurent plus pour cette raison). À l’université, les congés de maternité sont également mieux pris en compte.
Suggérer des éléments de solution simples...
Le premier consiste à prendre conscience du problème, ce que la communauté mathématique a commencé à faire ; cette deuxième journée parité va permettre d’améliorer encore cette prise de conscience. Quant aux stéréotypes qui envahissent toute la société, sans renoncer à les combattre en général, les enseignants et chercheurs en mathématiques peuvent chercher à les désactiver par des présentations neutres des exercices ou un mode de correction des examens et concours qui ne favorise pas la manière de travailler que les stéréotypes conduisent les garçons à adopter ; valoriser la place des mathématiciennes (d’aujourd’hui ou d’hier) aide les jeunes filles à se sentir à l’aise dans une discipline très majoritairement masculine.
...et utiles à la promotion des mathématiques et la lutte contre les inégalités en général
La riche discussion qui a animé cette journée a souligné combien la situation dévalorisée des jeunes filles en mathématiques recoupe les faiblesses qui frappent les mathématiques françaises dans leur ensemble : pénurie de postes dans l’enseignement supérieur et la recherche, dont les femmes sont les premières victimes, vocation des étudiant-e-s pour les mathématiques en baisse, rôle des mathématiques mal compris par une grande partie de la population… Des participant-e-s ont aussi souligné à plusieurs reprises que les mesures propres à favoriser l’accès des jeunes filles aux études de mathématiques seraient également profitables aux autres jeunes défavorisés dans ces études, en raison de leur origine sociale ou géographique par exemple. Pour lutter contre toutes ces discriminations, il serait illusoire d’attendre que les choses s’améliorent d’elles-mêmes : il faut faire preuve de volontarisme et agir à tous les niveaux de l’enseignement, notamment.
Bref, c’est un message d’humilité et de mobilisation que cette journée a avant tout adressé à nous mathématicien-ne-s : se rendre compte à quel point, quelque désincarnée ou désintéressée puisse sembler la science que nous pratiquons, nous sommes tributaires des stéréotypes, des contingences et des structures de la société, et y prendre toute notre place en tant que promoteurs de notre discipline afin de contribuer à la soustraire aux préjugés qui la privent de l’apport de l’essentiel de la moitié de la population.
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Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .
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