Un mikado subtil

Publié le 13 mars 2009

En devenant président de la SMF, j’ai été surpris par la multiplicité des associations et coordinations présentes dans les mathématiques françaises. J’avais déjà eu l’occasion d’interagir avec Femmes et Mathématiques, la SFdS et la SMAI (sans oublier l’Académie des Sciences par nature différente) ; je connaissais l’UPS, il me restait à découvrir l’APMEP, l’ADIREM, l’ARDM , et aussi les associations dont les activités sont spécifiquement dirigées vers les jeunes : Animath, Maths en Jeans, Kangourou, … Il y a aussi les fédérations d’associations : le CFEM, le CNFM, ActionSciences,… dont la nécessité est apparue au fil du temps, la multiplicité des associations rendant vite ces coordinations nécessaires. Savez-vous ce que représente chacun des sigles que je viens de citer ?1 UPS : Union des Professeurs de Spéciales.Cette association regroupe la quasi-totalité des professeurs de chimie, mathématiques et physique des classes préparatoires scientifiques,

l’APMEP : L’association des Professeurs de Mathématiques de l’Enseignement Public est une association qui représente les enseignants de mathématiques de la maternelle à l’université,

l’ADIREM : Assemblée des Directeurs de l’ Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques ,

CFEM : Commission Française de l’Enseignement des Mathématiques,

l’ARDM : Association pour la Recherche en Didactique des Mathématiques,

CNFM : Comité National Français des Mathématiciens.

Et les sites : ActionSciences, Animath,, MATh.en.JEANS et Kangourou.

Si oui, bravo ! Testez alors vos collègues… Je ne doute pas que des fédérations de fédérations voient bientôt le jour, avec les paradoxes attenants dont nous sommes friands (une association d’associations pourra-t-elle être membre d’elle-même ?).

Il est facile d’ironiser sur ce morcellement et les différentes querelles intestines qu’il provoque… Pourtant, chacune de ces associations ou coordinations est intimement convaincue de jouer un rôle irremplaçable. Même si les raisons qui ont présidé à sa création venaient à devenir obsolètes, gageons qu’elle trouverait de nouvelles motivations, parfaitement respectables, pour perdurer…..

Il en résulte cependant un manque d’efficacité manifeste pour nos actions : alors qu’il est de plus en plus difficile aujourd’hui de trouver des bénévoles pour s’engager au service de notre communauté, certaines fonctions dans plusieurs sociétés font double emploi. Des commissions sont également en doublon ; après avoir travaillé, elles doivent ensuite se mettre d’accord entre elles pour arriver à des textes ou déclarations communes… sous peine de donner l’image déplorable d’une communauté fragmentée ! La perte de temps et la dispersion d’énergies sont évidentes. On s’énerve contre un retardataire, on l’accuse à demi-mot de traîner volontairement les pieds ; bref ce subtil montage est générateur au mieux de manque de réactivité, au pire de tensions, voire de crises. En avons-nous vraiment besoin, à une époque où notre communauté devrait être particulièrement soudée et réactive ? J’avais évoqué dans mon précédent billet les délicats problèmes que cette situation pose à la SMF : quoi faire avec qui ? Il résulte aussi de cet éclatement un manque de lisibilité de l’extérieur. Si un responsable (du monde politique ou médiatique) souhaite s’entretenir d’une question concernant notre discipline, avec qui le fera-t-il ? Les représentants d’une ou de deux sections de l’Académie des Sciences ? Une association ? Toutes ? Une coordination ? En l’absence d’interlocuteur naturel unique, peut-être choisira-t-il plutôt des personnalités jugées « représentatives » et de passer ainsi à côté d’un aspect fondamental des Sociétés Savantes : nous sommes en contact avec l’ensemble de nos membres et, de ce fait, nous ne faisons pas état d’opinions personnelles (si fondées soient-elles) mais d’avis motivés, reflétant la situation, les aspirations ou les critiques de notre communauté.

Cette dispersion est-elle une spécificité des mathématiques ? Une spécificité française (le syndrome des « tribus gauloises ») ? Je serais tenté de répondre oui aux deux questions ; il me semble que cette diversité existe ailleurs, mais dans une moindre mesure… et je dois avouer que je n’ai aucune donnée chiffrée à l’appui. Toutefois, force est de constater que de plus petits pays ne s’offrent pas le luxe de cette multiplicité et, ont des sociétés d’une efficacité incomparablement plus grande que les nôtres. C’est par exemple le cas de la « Sociedade Portuguesa de Matemática » dont les activités et le rôle dans l’enseignement (à tous les niveaux) et la recherche ont de quoi nous faire pâlir de jalousie.

Poser un diagnostic est facile. Proposer des remèdes l’est moins. Il est important d’examiner d’abord attentivement les pistes que d’autres, après avoir établi le même constat, ont suivies. Pour ne pas augmenter exagérément la taille de ce billet je me contenterai d’en citer quelques unes, sans les analyser.

De nouvelles coordinations entre sociétés savantes ont été créées : ainsi la Fédération Française pour les sciences de la Chimie (FFC) regroupe les sociétés de chimie ; la Fédération Française des Sociétés scientifiques (FS2), qui fédère l’ensemble des Sociétés autour de la physique, est en train de se mettre en place. Ces fédérations sont-elles une étape vers une unité retrouvée, ou ne feront-elles qu’ajouter un peu de lourdeur au système ? Il est sans doute trop tôt pour répondre.

Nos amis britanniques envisagent une solution plus hardie : enlever une pièce du Mikado au lieu d’en rajouter ! La fusion de la London Mathematical Society et de l’Institute of Mathematics and its Applications est à l’ordre du jour. Les discussions sont vives, comme le montre ce site.

Alors que faire ? Mon but aujourd’hui était seulement de lancer un débat. Et puis « la bêtise consiste à conclure » 2Flaubert.

P.S. : Les mathématiciens ne sont pas les seuls touchés par le démon de la division. Une dizaine d’universités viennent de créer la CURIF (Coordination des Universités de Recherche Intensive Françaises), club autoproclamé des meilleures universités françaises, qui a pour but (presque) avoué de « doubler » la CPU (Conférence des Présidents d’Universités). Les bons élèves devancent le vœu de nos autorités de dégager un peloton de tête des universités, qui sera ainsi le réceptacle naturel des financements fléchés vers la recherche. Cette nouvelle devrait satisfaire ceux qui mesurent la qualité de la recherche à l’aune de quelques indicateurs quantitatifs simples, comme le nombre d’universités bien placées dans le classement de Shangaï 3Classement de Shangaï.

ÉCRIT PAR

Stéphane Jaffard

Professeur - université Paris Est Créteil

Commentaires

  1. Secrétariat de rédaction
    mars 13, 2009
    19h18

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Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .

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