À mort les maths

Écrit par Pierre Colmez
Publié le 29 août 2011
Version espagnole

La scène se passe dans une école primaire à la fin des années 1970. Un inspecteur demande à un petit garçon combien font \(2+5\), à quoi le petit garçon répond que \(2+5\) font \(5+2\) parce que l’addition est commutative. Horreur de l’inspecteur qui déclare que les maths modernes font que les enfants ne savent plus compter 1a scène prend une autre saveur si on sait que le petit garçon en question était fils de deux mathématiciens, n’avait pas la langue dans sa poche, et poursuit à l’heure actuelle une brillante carrière de mathématicien. et arrêt de mort desdites maths. Cette réaction pose une question assez intéressante au niveau de la formation des enfants. Il est clair que si le but de ladite formation est un formatage uniforme, la seule réponse correcte à la question inquisitoriale est \(7\). Par contre, tout mathématicien sait bien que \(0\) peut s’écrire de plein de manières différentes et que le choix de la bonne écriture est une forme d’art :

Je me souviens du plaisir ressenti quand on m’a expliqué, en classe de seconde, que l’on pouvait écrire 2J’étais au printemps à Chicago et je discutais avec Vladimir Drinfeld de la quasi-absence de mathématiciens américains. Il m’a dit qu’il fallait bien admettre que l’enseignement des maths dans ce pays (les États-Unis) était un peu bizarre : il avait découvert par hasard, en ouvrant le cahier de son fils, que l’on donnait à apprendre par coeur les formules pour la résolution de l’équation du second degré et la symétrie de la parabole sans jamais faire compléter le carré (deux recettes indigestes en place d’une jolie idée…). Rentré en France, je suis allé voir les nouveaux programmes de seconde, et voila ce que l’on y lit dans la colonne commentaires : Les résultats concernant les variations des fonctions polynômes de degré 2 (monotonie, extremum) et la propriété de symétrie de leurs courbes sont donnés en classe et connus des élèves, mais peuvent être partiellement ou totalement admis. Savoir mettre sous forme canonique un polynôme de degré 2 n’est pas un attendu du programme. Deux éminents collègues américains semblent penser qu’il faudrait même complètement supprimer l’étude de l’équation du second degré vu que la plupart des gens n’auront jamais à en résoudre dans leur vie extrascolaire. \(0=\frac{1}{4}-\frac{1}{4}\) pour montrer que

\[x^2+x+1=x^2+x+\frac{1}{4}+\frac{3}{4}=
(x+\frac{1}{2})^2+\frac{3}{4}\] ne peut jamais être nul (si \(x\) est réel).

Je ne compte plus le nombre de fois que j’ai utilisé l’astuce diabolique que l’on m’a indiquée en classe de première, et qui consiste à écrire \[(0=-f(x)g(x_0)+f(x)g(x_0),\] pour obtenir la formule \[f(x)g(x)-f(x_0)g(x_0)=f(x)(g(x)-g(x_0))+g(x_0)(f(x)-f(x_0))\] à partir de laquelle on peut prouver que le produit de deux fonctions dérivables est dérivable et calculer la dérivée du produit.

ÉCRIT PAR

Pierre Colmez

Directeur de recherche - CNRS - Sorbonne Université, Paris

Commentaires

  1. Secrétariat de rédaction
    octobre 6, 2011
    11h14

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Par exemple, on pourra écrire que sont les deux solutions complexes de l’équation .

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