Efficacité des vaccins: derrière les nombres

Écrit par Avner Bar-Hen
Publié le 20 décembre 2020

La présentation des vaccins contre la Covid commence généralement par une phrase du type : « le laboratoire ZZZ annonce avoir mis au point un vaccin efficace à XX %» (avec XX souvent supérieur à 90). Un des effets collatéraux de cette épidémie étant l’avalanche de chiffres sans explication ou comparaison (par exemple les morbides décomptes journaliers) nous allons essayer d’apporter une modeste contribution en revenant sur ce chiffre.

Dans le contexte des vaccins, le terme efficacité est ambigu et correspond aux deux termes anglais « Efficacy » et « Effectiveness » qui ont des sens très différents. Efficacy est la taux de succès d’un vaccin dans des conditions idéales ou contrôlées, alors que l’Effectiveness se réfère à sa performance dans des conditions « réelles ». Mais que signifient donc ces pourcentages ?

Pour déterminer l’efficacy du vaccin, il faut le comparer à un traitement « témoin » (placébo), qui n’a pas d’effet pour le virus testé. Dans le cas de Pfizer la moitié des 43.500 participants ont reçu le vaccin et l’autre moitié un placebo. Les volontaires continuent de vivre normalement sans savoir s’ils ont reçu le placebo ou le véritable candidat vaccin. On peut se poser la question de l’éthique d’une telle procédure, consistant à donner un placebo alors qu’ils auraient pu avoir le vaccin. Mais cette vision est faussée, car basée sur le résultat du test : il n’y a que certains druides qui connaissent à l’avance les résultats des tests ou l’absence d’effets secondaires. Les puristes parlent d’équipoise. Afin de lever d’éventuelles ambiguïtés, il est possible d’inoculer un virus à un animal, mais pas à un humain.

Au stade de la première annonce des résultats de Pfizer, 94 sujets avaient développé l’infection et environ 90% de ces sujets positifs appartenaient au groupe placebo, donc au groupe non vacciné. Donc si parmi les 94 testés positifs il y avait 8 personnes vaccinées, l’efficacy est donc de 1-8/(94-8)=90.7%. Dans la version finale il y a 170 cas positifs (162 dans le groupe placebo et donc 8 dans le groupe vacciné) et donc une efficacité de plus de 95% (1-8/162).

Deux remarques à ce stade. On pourrait faire un test de comparaison de proportion entre le taux de prévalence du Covid-19 dans le groupe vacciné et le groupe placebo. C’est tentant, mais il faut noter que la puissance du test et la différence significative minimale sont très dépendantes de la taille de la population. Relier une significativité statistique à une significativité médicale est loin d’être triviale. Il est donc plus pertinent de demander une réduction de risque minimale . Si l’on était près de la limite minimale pour une autorisation de mise sur le marché (les autorités ont parlé de 50% dans le cas de la Covid-19), on pourrait légitimement s’interroger sur la signification des décimales et se demander si des biais de population (proportion de personnes âgées par exemple) peuvent influencer le résultat. On est loin de la limite dans les essais présentés (même pour AstraZeneca).

Ce que mesure l’efficacy d’un vaccin n’est donc pas le nombre de personnes qui développent la maladie, mais plutôt la « réduction du risque » de développer la maladie avec une dose de vaccin par rapport à une population qui ne l’a pas reçue.

Mais qu’entend-on par effectiveness ? La surveillance des vaccins ne s’arrête pas après leur autorisation de mise sur le marché et l’on continue de suivre les personnes vaccinées. Parmi les mesures classiques, il y a la performance du vaccin pour différents groupes (âges, type de maladie, etc.), la durée de la protection, d’éventuels effets secondaires (qui n’a jamais eu de fièvre après une vaccination ?). Le coût de développement du vaccin ou l’importance des effets secondaires est aussi à prendre en compte. Chacun est libre de penser qu’il est moins grave d’être sous respirateur artificiel pendant plusieurs semaines plutôt que d’avoir des points bleus ou quelques maux de tête. Si l’on note pvacciné et pnonvacciné la proportion de malades dans ces catégories respectives, le taux d’effectiveness est 1pvacciné/pnonvacciné. La différence dans le calcul entre les deux notions d’efficacité provient non seulement du pourcentage de la population vaccinée, mais aussi de la composition de cette population. Il faudra de nombreuses années avant de pouvoir conclure pour des sous-groupes, mais il est peu probable que ce soit 90% car très peu de vaccins — mis à part la rougeole et la varicelle — sont efficaces à 90%. Le vaccin antigrippal est efficace à environ 40 à 60%, mais il sauve chaque année des millions de vies.

Enfin, pour conclure, quelque soit l’efficacité d’un vaccin, il ne peut protéger individuellement que ceux qui auront eu les injections et collectivement que si une proportion importante de la population est vaccinée.

ÉCRIT PAR

Avner Bar-Hen

Professeur titulaire de la chaire "statistiques et données massives". - Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM)

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